Désireux d'échapper un tant soit peu aux foudres des ayants droit et soucieux d'optimiser le téléchargement de fichiers en P2P, de nombreux internautes se sont organisés autour de trackers privés ou semi-privés. Ces espaces, qui associent généralement un forum de discussion à un moteur de recherche interne, permettent d'éviter – en théorie – le leech et de pousser les membres à jouer le jeu du partage.
Très recherchés par les aficionados du P2P, ces espaces n'acceptent pas tout le monde : il faut souvent montrer patte blanche et montrer que l'on mérite son accès. Toutefois, il n'est pas rare que certains de ces trackers rassemblent plusieurs milliers, voire dizaines de milliers de membres. Certaines plateformes, moins restrictives, regroupent même plusieurs millions de membres.
Bien que gratuits, ces espaces ont un coût. Pour que le tracker et les différents services gravitant autour demeurent accessibles, les administrateurs lancent de temps en temps des campagnes de dons pour financer le paiement de l'infrastructure informatique. Des pages dédiées sont ainsi disponibles, permettant aux usagers de faire un don via PayPal ou n'importe quel autre système de paiement en ligne.
PayPal surveille
PayPal étant le leader du secteur, c'est lui qui est le plus souvent utilisé par les administrateurs de trackers privés ou semi-privés. Or plusieurs responsables de ces espaces se sont manifestés auprès de Torrentfreak, expliquant que la filiale d'eBay demande désormais un accès afin de pouvoir contrôler directement la nature des échanges effectués via le protocole BitTorrent.
D'après nos confrères, des comptes PayPal ont ainsi été gelés pour obliger les administrateurs à céder. Les responsables, peu enclins à vouloir céder aux exigences du service de micro-paiement, s'efforcent de trouver des solutions alternatives. Car si le soutien financier des membres s'arrête, le tracker ne fera pas long feu. C'est le cas de TorrentBytes, qui pourrait fermer ses portes à la fin du mois.
La pression exercée par PayPal fait suite à ses nouvelles règles, mises en place l'été dernier. Bien décidée à ne plus être suspectée d'être complice du piratage, la filiale de PayPal a rédigé de nouvelles directives obligeant les services de partage de fichiers à prouver qu'ils ne servent pas au téléchargement illicite. Directement concernés par la mesure, plusieurs hébergeurs spécialisés avaient alors protesté.
Dans ses conditions précisant "quelles sont les informations requises par PayPal pour approuver les services de partage de fichiers et de forum de discussion", le site écrit en particulier que :
- Les vendeurs doivent indiquer à PayPal comment contrôler les fichiers accessibles via leur service et comment supprimer ou empêcher l'accès aux fichiers dont le contenu est illégal.
- Si les vendeurs utilisent un outil de recherche pour accéder aux fichiers, ils doivent indiquer à PayPal comment empêcher l'accès aux fichiers dont le contenu est illégal via cet outil de recherche.
- Dans les termes de leur contrat de service, les vendeurs doivent interdire aux utilisateurs de charger les fichiers dont le contenu est illégal et indiquer aux utilisateurs fautifs qu'ils seront supprimés définitivement du service.
- Les vendeurs doivent autoriser PayPal à accéder librement à leur service afin que les responsables du règlement sur les utilisations autorisées de PayPal puissent contrôler le contenu.
- Les vendeurs doivent indiquer à PayPal les mesures prises pour répondre aux organismes chargés de l'application de la loi en cas de contenu illégal accessible via leur service.
- Si PayPal signale au vendeur un ou plusieurs fichiers dont le contenu est illégal, ce dernier doit prendre des mesures immédiates pour empêcher l'accès à ces fichiers et répondre à PayPal dans un délai d'un jour ouvré en détaillant les actions entreprises. PayPal évaluera la réponse du vendeur et la procédure utilisée pour empêcher l'accès aux fichiers signalés. PayPal se réserve le droit de fermer, suspendre ou limiter l'accès au compte d'un vendeur si aucune mesure efficace n'est prise pour empêcher l'accès à ces fichiers.
Jeu du chat et de la souris
Pour contourner la surveillance de PayPal, les administrateurs peuvent changer de service de micro-paiement. Ils peuvent par exemple s'inspirer de Wikileaks, qui liste plusieurs plateformes alternatives en mesure de contourner l'embargo financier encerclant le site lanceur d'alerte. La monnaie électronique décentralisée Bitcoin est aussi une solution à prendre en considération.
Les responsables peuvent aussi se montrer astucieux, en montant un tracker privé qui servira d'écran à un autre. Sur le premier, seuls des échanges parfaitement légaux seront tolérés, de sorte que PayPal n'y trouvera rien à redire. Les usagers feront alors les dons pour cette première plateforme, qui serviront en réalité à financer l'existence des deux. C'est en tout cas une piste étudiée par certains administrateurs.
La manœuvre de PayPal s'inscrit dans un mouvement plus général consistant à assécher financièrement les plateformes accusées de favoriser le piratage. Les gouvernements, les ayants droit et les entreprises du secteur bancaire ou éditrices de cartes de crédit s'efforcent depuis quelques temps de casser ces flux. En France, c'est une piste suivie en particulier par la Hadopi.
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