S'il fallait délivrer une note au cabinet de Fleur Pellerin, ce serait assurément un 10/10. Interrogée par le député communiste Jean-Jacques Candelier, qui souhaitait savoir si la ministre de l'économie numérique était "sensible" au Pacte du logiciel libre signé par de nombreux parlementaires pendant la campagne électorale, Fleur Pellerin (ou plutôt son ministère) a répondu par un véritable plaidoyer en faveur du logiciel libre.
Bien que difficilement compatible avec l'étonnante réjouissance qui a accompagné l'adoption du redoutable Brevet unitaire européen, le texte de la réponse ministérielle confirme le souhait du gouvernement de porter haut le logiciel libre en France. Déjà en septembre 2012, le Gouvernement avait envoyé un signal fort avec la circulaire Ayrault (.pdf) sur "l'usage des logiciels libres dans l'administration", qui avait été très bien accueillie par les professionnels (notamment par le CNLL, l'April et différents éditeurs de solutions open-source).
La réponse faite au député Candelier par le ministère de l'économie numérique promet d'être reprise en choeur par les défenseurs de l'open-source :
Le modèle du logiciel libre repose sur le droit pour un auteur de divulguer son logiciel avec son code source et d'accorder à tous le droit de les utiliser, de les copier, de les adapter et de les redistribuer, en version originale ou modifiée. Ce modèle revêt un intérêt qui n'est plus à démontrer aujourd'hui.
En premier lieu, les licences libres, clé de voûte de ce modèle, permettent une libre circulation du logiciel et le partage du savoir. Elles garantissent le droit d'utiliser, de modifier et de redistribuer le code source d'un logiciel. Chacun peut ainsi s'approprier la connaissance accumulée, l'enrichir de son propre savoir et en faire profiter la communauté. En outre, la gratuité très répandue des logiciels sous licences libres contribue à leur diffusion au plus grand nombre. Ainsi, avec le modèle du logiciel libre, nul ne peut être exclu de l'accès au savoir et de l'accès à la consommation.
En second lieu, le logiciel libre constitue une opportunité qu'il importe de saisir pour la modernisation, l'efficacité et la transparence de l'État :
- les logiciels libres peuvent jouer un rôle moteur pour assurer un plus large accès aux données publiques ; en particulier, ils mettent le plus souvent en oeuvre des standards ouverts qui garantissent l'accessibilité aux données et leur réutilisation ;
- les logiciels libres sont des facilitateurs du développement de l'administration électronique ; c'est ainsi notamment que la connaissance de leur code source et la possibilité qui est offerte de les modifier vont dans le sens d'une interopérabilité entre systèmes, un enjeu majeur de l'administration électronique ;
- les logiciels libres présentent également des avantages certains pour la maîtrise des dépenses informatiques de l'État.
Enfin, le modèle du logiciel libre est au coeur d'enjeux stratégiques pour l'industrie numérique et, plus largement, pour l'ensemble des branches industrielles. En particulier, ce modèle a montré sa capacité à remettre en cause certaines positions dominantes d'éditeurs propriétaires, souvent à l'origine de situations de dépendance technologique. Ainsi, sur certains marchés, le modèle du logiciel libre peut permettre à l'industrie européenne de regagner des positions de premier plan, notamment dans le domaine des logiciels d'infrastructure, des logiciels embarqués, des outils de gestion de contenus ou encore des environnements de développement.
C'est pourquoi il est essentiel que le cadre législatif européen reste favorable à une croissance forte du logiciel libre. Le soutien à la recherche et au développement (R&D) est également un élément clé du développement du secteur du logiciel libre. Le ministre veillera à ce que cette dimension soit prise en compte dans les différents programmes de soutien à la R&D industrielle ciblés sur le logiciel. Cela vaut notamment pour les projets de R&D des pôles de compétitivité et pour le programme ITEA2, qui vise, dans le cadre de l'initiative Eurêka, à renforcer la coopération entre les acteurs européens sur les enjeux les plus stratégiques du logiciel.
Les défenseurs du logiciel libre pouvaient-ils rêver meilleure réponse ? Reste désormais au Gouvernement à la traduire par des actions concrètes. Et à gagner en cohérence en ne soutenant pas des réformes qui auront pour effet de gonfler encore l'inflation de brevets en Europe. Ce qui vaut pour les logiciels vaut pour de nombreux champs industriels, qui gagneraient aussi à davantage de souplesse dans la protection des droits de propriété intellectuelle.
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