Mardi, nous rapportions sur Numerama que la Cour de cassation avait ajouté sur son site internet un code javascript pour interdire le bouton droit de la souris, et éviter ainsi l'apparition du menu contextuel qui permet aux visiteurs de copier du contenu dans le presse-papier. Techniquement, la mesure connaît de nombreuses formes de contournement possibles (en particulier la désactivation du javascript), mais elle s'impose au plus grand nombre des internautes, non aguerris, qui n'ont comme connaissances techniques que leurs habitudes.
Notre article dénonçait une façon de faire, selon nous symbolique du rapport qu'entretient la juridiction aux droits du public. Outre le droit d'auteur, surprotégé par la mesure technique, nous y dénoncions en effet une manière de fragiliser encore le droit d'accès et de réutilisation des documents administratifs, dont font partie les textes publiés par la Cour de cassation.
En réaction à cet article, le service de communication de la haute juridiction a publié aujourd'hui un commentaire d'explication, que nous reproduisons ici :
Le service de communication de la Cour de cassation remercie la rédaction de Numérama d’avoir attiré son attention sur cette situation.
L’interdiction du « Clic droit » étendue à l’ensemble du site internet courdecassation.fr ne reflète pas la volonté de l’institution. Cette modification résulte d’une demande de la Cour de voir protéger certaines données soumises au droit d’auteur (les photos et logos, à titre principal). Notre prestataire vient d’être informé de cette situation et opérera les réajustements nécessaires dans les plus brefs délais.
Nous appelons votre attention sur le fait qu’il reste possible de réutiliser les éléments de texte mis en ligne, en employant les fonctions « copier / coller » de votre navigateur ou de votre clavier. La réutilisation des données publiques n’est donc en aucune façon limitée.
Bonne journée à vous.
Service de communication de la Cour de cassation.
Selon nos constatations, le script qui bloquait l'utilisation du bouton droit de la souris a déjà disparu ce mercredi à la mi-journée. Mais le fait que la Cour ait effectivement voulu "protéger certaines données soumises au droit d’auteur", en particulier les photographies et les logos, reste un témoignage grinçant du rapport qu'entretient la plus haute juridiction civile avec la protection de la propriété intellectuelle. Le droit d'auteur n'a jamais interdit la copie privée (pour ne pas parler que de cette exception-là), donc le copier-coller. Au contraire, la loi "interdit d'interdire" la reproduction pour l'usage personnel de celui qui copie. En ajoutant une barrière technique à la copie, la Cour a ajouté une couche de protection que le droit d'auteur lui-même ne reconnaît pas aux ayants droit.
Mais il est vrai que dans son arrêt Mulhulland Drive, la Cour de cassation a jugé que la copie privée n'était pas un droit opposable, et donc pas absolu. Il faut donc voir là une certaine forme de cohérence, à défaut d'y voir de la pertinence.
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