Oeil pour oeil, dent pour dent. Lorsqu'un Etat est jugé coupable d'enfreindre les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à l'encontre d'un autre état, l'OMC l'autorise à prendre des mesures de rétorsion d'une valeur économique récente. C'est ce qui s'est passé en 2007 dans le cadre d'un conflit ouvert en mars 2003 par le petit pays des Antilles Antigua-et-Barbuda, et qui a vu un arbitre de l'OMC autoriser Antigua à ne plus respecter les droits d'auteur américains.
En l'espèce, Antigua-et-Barbuda avait demandé le 21 mars 2003 à l'Organisation Mondiale du Commerce de réagir suite à l'adoption d'une loi américaine qui a eu pour effet de fermer les frontières aux jeux d'argent en ligne venus de l'étranger. La petite île antillaise s'était faite une spécialité de l'édition de sites de poker et autres jeux de hasard, et voyait dans la décision des Etats-Unis une atteinte sérieuse à ses intérêts économiques. En 2005, l'OMC a reconnu que la décision américaine était illégale, et en juin 2007, Antigua a formellement demandé à l'OMC "l'autorisation de suspendre, à l'égard des Etats-Unis, l'application de concessions et d'obligations connexes d'Antigua-et-Barbuda au titre (…) de l'Accord sur les ADPIC".
Ces derniers sont les Accords TRIPS, relatifs aux "Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce" (ADPIC), qui déterminent les règles de protection des droits d'auteur et brevets entre états membres de l'OMC.
Le 21 décembre 2007, un arbitre désigné par l'OMC a accepté qu'Antigua suspende son respect des accords TRIPS à l'égard des Etats-Unis (et d'eux seulement), dans la limite de 21 millions de dollars par an.
Une offre illimitée à 5 dollars par mois ?
Dès 2008, Antigua avait menacé de créer une zone de libre piratage en mettant cet arbitrage à exécution, si les Etats-Unis n'acceptaient pas une autre forme de règlement du conflit. "Quasiment n'importe quoi depuis les produits pharmaceutiques jusqu'à la musique, tout ce qui est protégé par la propriété intellectuelle et qui peut être dupliqué" pourrait être copié, "même si nous allons d'abord aller vers les cibles plus douces", avait à l'époque expliquer un représentant de l'île antillaise.
Cette menace n'a jamais été mise à exécution, mais elle revient sur le devant de la scène. Torrentfreak affirme en effet, selon des sources d'Antigua-et-Barbuda, que le gouvernement local prépare depuis plusieurs mois le lancement d'un site internet qui vendra des oeuvres américaines au monde entier, sans payer de droits d'auteur à Hollywood.
Il faut néanmoins que leur projet soit approuvé sous cette forme par l'OMC, ce que les Etats-Unis essayent de retarder. Une réunion est prévue ce mois-ci, et le lancement du site pourrait avoir lieu dans la foulée.
Selon TorrentFreak, l'une des options retenues serait de vendre aux internautes un accès illimité à 5 dollars par mois à tous les contenus américains référencés sur le portail. Elle devra être néanmoins limitée à 350 000 internautes, pour rester sous la barre des 21 millions de dollars annuels de compensation.
Mais les Etats-Unis se font menaçants. "Si Antigua met effectivement en oeuvre un plan qui fait que son gouvernement autorise le vol de propriété intellectuelle, cela ne fera que porter atteinte aux propres intérêts d'Antigua", a indiqué le gouvernement américain dans une lettre envoyée le mois dernier à l'OMC.
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