La Russie peut désormais procéder à la censure de tout contenu posant un risque pour la protection de l'enfance. Or, la législation votée par la Douma est très critiquée pour ses contours trop flous. Google a d'ailleurs déposé une requête visant à obtenir la levée de la censure d'une vidéo publiée sur YouTube, qui n'a rien à voir avec l'objectif du texte.

Depuis le 1er novembre, la Russie profite d'une nouvelle législation pour bloquer des sites web accusés de promouvoir des contenus violents, pornographiques et extrémistes. Ces mesures s'inscrivent dans le cadre d'une loi plus générale dédiée à la protection de l'enfance, qui a été adoptée en juillet dernier et dont les opposants ont organisé quelques coups médiatiques pour en dénoncer les faiblesses.

Or, l'imprécision des textes et des définitions laisse craindre des dérives. "Mises bout à bout, les dernières initiatives législatives de la Douma ressemblent fort à une attaque concertée contre la libre circulation de l’information", craint Reporters Sans Frontières, pour qui la loi "laisse trop de place à l’interprétation" et organise la censure en ligne avec la bénédiction du pouvoir.

Et des dérives, il y en a. Le Wall Street Journal signale que YouTube a déposé une requête auprès du Roskomnadzor, le service de surveillance fédérale russe pour les médias et les communications, pour obtenir la levée le filtrage d'une vidéo baptisée "Leçon vidéo sur la façon de couper vos veines =D". Or, contrairement à ce que peut laisser croire le titre, il ne s'agit pas d'une vidéo encourageant le suicide.

En réalité, la vidéo mise en liste noire présente un guide pour utiliser le maquillage comme trucage. Il s'agit de simuler une fausse blessure, par exemple pour faire sensation à Halloween. Certes, la vidéo peut être trompeuse : les premières images montrent en effet une lame de cutter pressée contre un poignet, tandis que les suivantes révèlent un poignet ensanglanté. On pourrait alors tirer des conclusions hâtives.

Pour la plateforme américaine, les dispositions législatives trop vagues votées par la Douma et la mauvaise appréciation du Roskomnadzor sont directement à l'origine de cette erreur. "Dans cette affaire, nous avons contesté la décision de l'autorité russe parce que nous ne pensons pas que le but de cette loi est de limiter l'accès aux vidéos qui sont clairement destinées à divertir les spectateurs".

L'intervention de YouTube auprès du Roskomnadzor ne signifie pas que la plateforme autorise les contenus banalisant le suicide. Dans son centre de sécurité, la plateforme américaine explique que chaque vidéo dispose d'une fonction permettant de la signaler si celle-ci met en scène un acte de suicide ou exprime des propos suicidaires. Les vidéos signalées sont ensuite examinées par YouTube.

C'est la première fois que Google engage une action suite au vote de la loi sur la protection de l'enfance. Vu l'importance de YouTube en Russie, nul doute que d'autres cas de surblocage seront portés à sa connaissance à cause d'un texte de loi aux contours trop imprécis. Selon une association russe, une autre requête est d'ailleurs en préparation.

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