La chronologie des médias peine à être réformée. Alors que les professionnels du secteur sont divisés sur un réaménagement de l'actuel mécanisme, la mission Lescure sur l'exception culturelle pourrait avancer quelques propositions pour l'assouplir. Mais aucune révolution ne devrait avoir lieu.

Actuellement, la chronologie des médias s'appuie sur un mécanisme qui étend progressivement la disponibilité des films sur différents types de supports. Ainsi, les modes d'exploitation doivent respecter un certain délai après la sortie d'un long-métrage en salle. Cette période va de quatre mois (vidéo à la demande avec paiement à l'acte) à quatre ans (vidéo à la demande gratuite).

La dernière révision de la chronologie des médias remonte au 6 juillet 2009. Depuis, toutes les tentatives pour réaménager ce dispositif ont échoué. Or, les règles encadrant l'accès au film en fonction de la date de sortie au cinéma ne paraissent plus répondre aux pratiques des internautes français. Les plateformes professionnelles comme Dailymotion ou TF1 ne cachent d'ailleurs plus leur insatisfaction.

Preuve de l'inertie en la matière, même une modification superficielle ne parvient pas à aboutir. Le  Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) souhaitait autoriser la diffusion en vidéo à la demande par abonnement (SVOD) de films très peu projetés en salle 22 mois après leur exploitation, au lieu de 36. Un avenant avait été préparé. Mais celui-ci est resté lettre morte.

Les voix réclamant un assouplissement de la chronologie des médias se multiplient pourtant. Outre le CNC favorable à des délais resserrés entre chaque mode d'exploitation, la ministre de la culture Aurélie Filippetti souhaite également l'évolution du mécanisme, tout comme la SACD, qui la juge "anachronique et inadaptée", au point de retarder "exagérément la disponibilité des œuvres". Sans parler de Bruxelles.

Dans son dernier numéro paru ce jour, Édition Multimédi@ signale qu'une énième réunion sur le sujet entre les professionnels n'a abouti à rien. Les expérimentations pourraient néanmoins donner l'occasion de tester une nouvelle chronologie et vérifier les effets sur les différents modes d'exploitation. Le CNC, qui encadrait cette réunion interprofessionnelle, s'en remet désormais à la Mission Lescure.

C'est en effet dans le cadre de la mission Acte 2 de l'exception culturelle, qui a multiplié les auditions sur les contenus culturels et les pratiques numériques, que les lignes pourraient bouger. D'ailleurs, n'avait-elle pas estimé qu'une "refonte radicale de la chronologie des médias constituerait peut-être la meilleure réponse aux attentes des internautes en matière de VOD", lors de la publication de son bilan d'étape ?

Il y a visiblement une ouverture. Reste à savoir ce que dira la mission Lescure, dont les conclusions sont attendues pour la fin mars. On se souvient que Pierre Lescure paraissait plaider pour une nouvelle forme de chronologie des médias, qui déterminerait le modèle économique applicable en fonction de l'âge des contenus, jusqu'à légaliser l'échange des films les plus anciens.

En réalité, les pistes avancées par la mission Lescure ne devraient pas être révolutionnaires. "Plutôt qu’une remise à plat qui fragiliserait le système de financement du cinéma, le réalisme commande d’envisager des assouplissements et des expérimentations de nature à enclencher une dynamique favorable au développement de l’offre légale", écrivait la mission.

Mais à défaut de mieux, ça sera déjà un premier pas.

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