Sans jamais le citer mais en pensant très fort à lui, le Conseil National du Numérique (CNNum) a demandé mardi matin au Gouvernement de faire preuve de courage et de s'attaquer aux problèmes économiques et sociétaux posés par "l'énorme pouvoir" que peut avoir Google et ses 95 % de parts de marché sur les moteurs de recherche.

Ce mardi matin, le Conseil National du Numérique (CNNUm) a remis à la ministre Fleur Pellerin son avis sur la neutralité du net, qui préconise l'instauration d'un principe général de neutralité mais ouvre aussitôt la porte à de nombreuses exceptions et à une large liberté d'interprétation. Son effet sur le respect de la neutralité du net par les FAI devrait donc être proche de zéro. En revanche, le plus innovant dans le rapport, et le plus inattendu, est l'idée selon laquelle les grands éditeurs de services en ligne détiennent aussi une responsabilité d'intermédiaire qui devrait les obliger à respecter un même principe de neutralité. Ceci au nom de la défense de la liberté d'expression.

Cette idée, qui n'est encore que balbutiante selon les propres aveux du CNNum, est très prometteuse. Si elle s'applique aux réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, qui ont ou pourraient avoir un jour la responsabilité de laisser leurs membres s'exprimer dans les seules limites imposées par la loi, l'idée de la neutralité des services intermédiaires s'impose aussi et avant tout aux moteurs de recherche.

Et donc en particulier à Google, qui sans être nommé est très clairement visé par le Conseil National du Numérique, préoccupé par les éventuels abus de pouvoir dont pourrait se rendre coupable le service utilisé par 95 % des internautes français.

"La neutralité des services est un problème qui se pose déjà", constate ainsi le CNNUm. "Certains monopoles ou oligopoles finissent par exemple par toucher à la confiance dans les résultats des moteurs de recherche. Ce n'est pas une boite de Pandore, c'est simplement la constatation qu'Internet va désormais au delà des seuls problématiques techniques."

"La domination de certains acteurs dont l'usage relève presque du service public pose désormais un problème d'égalité, principe fondamental s'il en est", écrit le Conseil.

Il semble ainsi rejoindre la position que nous avions exprimée sur l'énorme responsabilité sociétale de Google, en particulier en tant qu'agent économique aux pouvoirs exorbitants. Jamais une société commerciale n'a eu une influence aussi brutale sur tout un pan de l'économie. Mais Google a aussi une responsabilité croissante du point de vue politique, comme l'ont montré par exemple les débats sur l'influence des résultats de recherche dans les élections ou dans les opinions visibles lors des débats sociétaux.

Or comme le disait Montesquieu, "c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser" et "pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir".

Aussi pour le Conseil National du Numérique, "l'énorme pouvoir que peuvent procurer ces services omniprésents s'accompagne aujourd’hui d'une obligation de neutralité (…) Il est inutile d’imposer la neutralité en amont si on ne change pas les règles en aval".

"Il faut montrer autant que possible l'exemple aux acteurs étrangers, et pousser l’Europe à rejoindre ce point", encourage le CNNum, qui demande au Gouvernement de faire preuve de courage. "Il est naturel de se sentir mal à l'aise face à ces questions. Ces notions nouvelles comportent des zones d’inconnues et d'inconfort, mais c'est une nécessité qu'il faut assumer en sachant se ménager une part d'intelligence, d'adaptabilité et de responsabilité", écrit le Conseil.

"L'objectif n’est pas de rester dans la simplicité. Il faut s’attaquer aux problèmes dès maintenant."

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