Who Targets Me? « Qui me cible ? » en bon français, est une extension pour Google Chrome développée par des experts proches du Labour Party — la gauche anglaise. L’outil est aussi politique que technologique : il espère éclairer les électeurs et internautes sur les nouveaux enjeux de la communication numérique. Pour ces travaillistes, qui décrivent les mécanismes du ciblage politique comme un « sombre recoin non régulé de nos campagnes politiques », l’enjeu de Who Targets Me? est de déconstruire et clarifier les rapports de force en ligne.
En ajoutant l’extension, open source, à son navigateur, l’internaute peut découvrir les messages politiques sponsorisés qui apparaissent sur Facebook par exemple. Une fois la propagande découverte, l’utilisateur pourra également en apprendre plus sur les moyens mis en œuvre pour l’atteindre, lui. Quelles sont les données ciblées pour se retrouver dans le viseur d’un parti politique ? Who Targets Me? tente de répondre à cette question.
Plus largement, l’extension souhaite également donner des informations brutes à ses utilisateurs sur la tenue des campagnes numériques. Nous pourrons ainsi apprendre quel parti dépense le plus, mais aussi lequel franchit le rubicon des fake news. Les fondateurs du logiciel espèrent en effet, grâce à une masse critique d’utilisateurs, repérer rapidement les partis et lobbies promouvant des fausses informations dans le cadre de la campagne électorale à venir.
Pour rappel, les législatives anglaises — annoncée récemment par Theresa May — se tiendront le 8 juin, en chevauchant les élections parlementaires françaises, et doivent dessiner l’assemblée qui ratifiera le hard brexit de la première ministre britannique.
Or devant les enjeux soulevés par l’élection impromptue décrétée par Downing Street, toutes les forces de gouvernements souhaitent passer à la vitesse supérieure en matière de campagne en ligne. Le Labour comme les Tories ont en effet appris, dans la douleur de la défaite, les leçons à tirer du référendum sur l’Union Européenne durant lequel le camp du Leave n’a pas compté ses dépenses pour cibler et séduire en ligne. Avec plus d’un milliard de livres dépensés, les brexiters avaient mis les formes en ligne. Était-ce là le secret de la campagne réussie des eurosceptiques ?
Escalade des dépenses pour l’armada numérique
Pour les deux partis de gouvernement britanniques, une partie de la solution se situe en tout cas dans le budget alloué à ces campagnes nouvelle génération. Les conservateurs ont ainsi embauché à nouveau Craig Elder et Tom Edmonds, qui avaient dirigé la campagne de 2015 durant laquelle le parti de Cameron avait alors dépensé plus de 1,2 million de livres alors que les travaillistes s’étaient contentés de 160 000 livres.
Cette année, le Labour a décidé de miser gros sur le numérique en espérant être aussi présent que les tories avec un budget estimé à 1 millions de livres pour la bataille numérique des législatives.
Comme le rapporte le Guardian, les deux chefs de file conservateurs ont également fait leurs armes durant le Brexit en offrant leur service au Remain. C’est alors qu’ont été créés, à la manière de Trump et Jared Kushner, les premiers motifs de ciblage politique. Le quotidien anglais explique par exemple que pour le camp pro-européen, les deux experts avaient ciblé les fans de foot pour afficher dans leur actualité un message concernant le danger que le Brexit ferait courir sur les visas délivrés aux clubs sportifs. Les fans de surf ont même été surpris de trouver dans leur fil d’actualité des messages défendant la politique écologique pour les zones balnéaires de l’UE.
Du côté des travaillistes, le ciblage n’a pas encore que des adeptes au sein des équipes. Toutefois, Andrew Gwynne, MP et co-directeur de la campagne a concédé que le ciblage aurait un impact significatif sur l’élection. En fin de compte, le parti de Corbyn adoptera un logiciel, Promote, dont la tâche est de repérer des cibles numériques avant de préparer des campagnes.
Cette course à l’armement numérique repose sur des concepts aussi flous que dangereux en matière de confidentialité
Néanmoins, cette course à l’armement numérique repose sur des concepts aussi flous que dangereux en matière de confidentialité. Une question que les communicants tentent d’éviter, n’ayant d’autre alternative que la réponse coup pour coup à la stratégie adverse. Inquiets de cette escalade, les citoyens britanniques pourront rejoindre les créateurs de Who Targets Me? qui au-delà d’une extension, espèrent également mener une campagne d’information afin de mettre à jour le cadre juridique de ces dépenses folles.
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