Jamais deux sans trois : la victoire de Marine Le Pen aurait dû constituer un nouveau zénith atteint par le nationalisme — curieusement internationaliste — de l’extrême-droite trumpiste.
Nouvelle preuve qu’une révolution conservatrice marcherait sur l’Occident, une victoire en France d’un allié à l’axe — encore très fictif — Poutine-Trump avait tout du scénario parfait pour les hordes de trolls. Il n’en fut rien : les tenants du suprématisme blanc, Français comme Américains, ont été défaits par les urnes hexagonales.
Pourtant, les jeunes ultra-connectés de la ligne suprématiste s’étaient investis dans cette campagne française. Jouant de leurs codes hérités de la campagne américaine et des symboles franco-français, les trolls de Trump s’étaient mis au service des soutiens de Le Pen, sans succès. Ils ont appris, à la dure, que toutes les élections n’ont pas le même champs de bataille et qu’en France, le web des mèmes n’est pas vecteur de révolution conservatrice — du moins pas encore.
Cette défaite nourrit une rage non dissimulée qui se lit sur les Discord, les forums et Twitter. Ici, les responsables des médias de désinformation promettent à la France un destin funeste à cause des musulmans, là ils ironisent sur une prétendue soumission de Macron à Angela Merkel.
« Progressistes de tous pays, unissez-vous »
Face à ce solide mouvement regardant vers la France avec insistance, un autre s’est éveillé plus discrètement mais avec autant d’intérêt pour l’élection française. En Europe comme sur le continent américain, de nombreux jeunes se retrouvant derrière la définition anglophone de liberal (soit progressistes), commencent à s’inscrire eux aussi dans un affrontement politique d’internautes.
À travers les mèmes pro-Europe publiés sur The_Macron comme à travers les milliers de messages offrant du sel aux partisans de Mme. Le Pen sur The_Donald, une autre jeunesse qui se tenait à l’écart des guerres des mèmes et autres fictions politiques de l’alt-right commence à se distinguer et répond sur le web, coup pour coup (numérique).
Félicitant la France de n’avoir pas cédé aux appels du nationalisme, cette jeunesse monde se cherche manifestement un levier politique. Beaucoup de jeunes progressistes américains n’avaient jamais autant suivi une élection internationale — un premier pas qui s’est fait grâce au web, aux mouvements anti-Trump et à l’humour, comme celui de John Oliver dans lequel la présidentielle française avait pris toute sa place.
L’analyse de ces jeunes qui estiment avoir autant gagné l’élection que Macron lui-même est souvent la même, malgré des cultures politiques très diverses. On lit beaucoup, dans le backlash sur The_Donald ou ailleurs, l’idée désormais partagée que cette génération connectée se sent engagée dans un affrontement, bloc contre bloc, avec les nationalismes.
Pour Kamel, étudiant en sciences politiques à l’université américaine d’Abu Dhabi et militant éphémère d’Emmanuel Macron, l’élection française prouve que les systèmes démocratiques peuvent survivre à l’abstention et au nationalisme, à condition de rester éveillés collectivement : « Nous voyons dans les régimes démocratiques l’abstention se confirmer surtout auprès des plus jeunes, ce qui laisse le vote aux mains des plus conservateurs. La France nous donne de l’espoir, les générations futures peuvent encore choisir de combattre la xénophobie plutôt que de se complaire dans le statu quo. » L’étudiant explique avoir par ailleurs milité sur les réseaux sociaux pour que ses amis français s’engagent à voter au second tour. Il remarque que vue de l’étranger, l’abstention semblait absurde.
Les jeunes sociaux-démocrates allemands, qui espèrent voir la victoire de Martin Schulz compléter leur tableau des victoires européennes, s’enthousiasment également de la victoire du candidat d’En Marche ! « C’est désormais à notre tour d’avoir des victoires impossibles », conclut un jeune allemand sur Reddit. Enfin, les jeunes américains, moins enjoués, remercient la France de n’avoir « pas fait la même erreur ». Caustiques, ces internautes progressistes n’oublient pas de moquer leurs opposants virtuels, l’alt-right et son Pepe the frog en soulignant, narquois, que les français sont des mangeurs de grenouilles…
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