Le studio Greenheart Games a eu une idée originale : plutôt que de brandir le bâton contre les pirates, il a décidé de leur montrer l'envers du décor. Comment ? En publiant une version piratée et modifiée de son nouveau jeu, une simulation de studio de jeu vidéo. Cette version fait échouer systématiquement la partie lancée par le joueur, en expliquant que le piratage a conduit la firme à la faillite.


Comme la musique, le cinéma ou la littérature, le jeu vidéo est concerné par le piratage. Sur les réseaux d'échange en P2P ou sur les hébergeurs spécialisés, des milliers de jeux sont échangés chaque jour en toute illégalité. Déterminée à contrer ce phénomène, l'industrie vidéoludique a exploré diverses approches sans toutefois parvenir vraiment à inverser la tendance, à l'image des verrous numériques (DRM).

Le studio Greenheart Games a alors eu une idée étonnante : plutôt que de poursuivre la politique des coups de bâton sur les pirates, qui ne marche visiblement pas, pourquoi ne pas inviter ces derniers à voir l'envers du décor du téléchargement illicite ? C'est une expérience que relate Patrick Klug, l'un des concepteurs du jeu "Game Dev Tycoon", une simulation de studio de jeu vidéo.

"Que se passe-t-il lorsque des pirates jouent à une simulation de studio de jeu vidéo et font faillite à cause du piratage ?". Ils viennent se plaindre sur les forums officiels et demandent si des astuces peuvent être envisagées pour empêcher l'effondrement de la firme. L'un des intervenants a ainsi voulu savoir s'il était possible de développer des DRM pour empêcher le piratage de ces jeux.

Or, tout le sel de la petite expérience conduite par Greenheart Games est là : tout ceux venant sur les forums se plaindre de la simulation, qui les conduit systématiquement à la faillite, ont en fait récupéré une version piratée de Game Dev Tycoon. Comment cela est-ce possible ? En fait, le studio n'a pas fait que proposer son jeu dans le commerce ; il a aussi diffusé une version piratée et falsifiée de son jeu sur Internet.

Le but ? Pousser les joueurs à se se mettre à la place des développeurs le temps d'une partie, afin qu'ils voient le téléchargement illicite depuis un autre angle que le leur. C'est le message que voulait faire passer Greenheart Games : montrer que le piratage met de nombreux emplois en péril dans l'industrie, en provoquant systématiquement l'échec de la mission dans la version piratée du jeu.

Désireux de démontrer ce point par l'exemple, Greenheart Games a publié des statistiques après une journée de commercialisation légale et de disponibilité illégale. Il apparaît que sur 3318 usagers, seuls 214 (6,4 %) ont acheté légalement le titre. Les autres (93,6 %, soit 3104 internautes) ont récupéré la version illégale diffusée par Greenheart Games pour illustrer son propos.

Patrick Klug affirme qu'il n'en veut pas aux pirates, rappelant que lui aussi, lorsqu'il était jeune, considérait le téléchargement illicite comme une attitude normale. Toutefois, le développeur les invite à faire preuve de responsabilité en se "rachetant". Comment ? En achetant le jeu légalement (6,49 euros HT). Ce serait, selon lui, une bonne façon de faire amende honorable.

L'initiative, révélée lundi, a été diversemment accueillie. Certains ont salué l'approche originale de Greenheart Games pour parler du piratage, qui faut aussi souffrir les studios indépendants. Or, ces derniers ont les reins beaucoup plus fragiles que les grandes firmes du secteur, qui peuvent s'appuyer sur les ventes de licences très appréciées, même si ces dernières sont aussi fortement piratées.

D'autres se sont montrés plus critiques, estimant que le studio a cherché d'abord à faire une opération marketing très fine dans le seul but de faire parler de lui. En outre, les statistiques publiées par le studio sont remises en question : celles-ci se basent sur la mise à disposition volontaire d'une version piratée, le même jour que la sortie commerciale du jeu.

Or, il y a parfois quelques jours voire plusieurs semaines d'écart entre le moment où un jeu sort légalement et celui où sa version piratée apparaît sur Internet. Autrement dit, le jeu Game Dev Tycoon aurait sans doute lui aussi piraté, mais peut-être pas dans les mêmes proportions. C'est du moins ce que peuvent opposer les contempteurs de cette tentative de pédagogie.

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Abonnez-vous à Numerama sur Google News pour ne manquer aucune info !