La politique de Facebook à l'égard des contenus publiés par les usagers est parfois déroutante. Le réseau social s'est illustré à de nombreuses reprises pour son puritanisme à l'égard de la nudité. Si le retrait de contenus franchement pornographiques n'est guère étonnant et contestable, dans la mesure où le service est fréquenté par des mineurs, la suppression d'œuvres d'art est absolument regrettable.
Les exemples sont multiples : le tableau l'Origine du monde de Courbet, la pochette d'un album de Nirvana, une caricature du New Yorker ou encore une photographie de Laure Albin Guillot. Et il ne s'agit là que des cas qui ont reçu une attention médiatique. Combien d'œuvres, certes parfois grivoises, ont été éjectées du site communautaire, sous prétexte de nudité ou de pornographie ?
Les règles de Facebook
Bien sûr, Facebook est une entreprise privée. Libre à la plateforme d'édicter la politique qu'il souhaite voir appliquer. Mais on s'attend dès lors à une certaine cohérence. Car la règle sur les contenus pornographiques couvrent également l'incitation à la haine ou à la violence, les contenus menaçants et / ou présentant de la violence gratuite. C'est le point 3.7 du règlement Facebook.
De plus, Facebook explique que son service "est utilisé, entre autres, pour publier des photos et vidéos. Nous comprenons que des contenus un fort impact visuel sont monnaie courante mais nous devons prendre en compte les besoins d’une communauté diverse. La publication de contenu graphique pour un simple plaisir sadique est interdite".
La décapitation, c'est acceptable
Or, Facebook a tenu pendant quelques jours une position tout à fait inattendue à l'égard d'une vidéo de décapitation. Au lieu d'intervenir immédiatement pour la supprimer pour empêcher les internautes de la visualiser depuis son espace, le groupe a souhaité la laisser en ligne alors même qu'elle enfreint manifestement son propre règlement.
"Notre décision de ne pas supprimer ce contenu est basée sur le fait que les gens ont le droit de décrire le monde dans lequel nous vivons, de présenter et de commenter les actions", a expliqué l'entreprise américaine, via son agence de relations publiques allemande. Cela permet "d'attirer l'attention sur les injustices en postant un contenu dramatique ou inquiétant".
Montrer la crudité du monde
L'explication du réseau social est de prime abord compréhensible : ce n'est pas en cachant la poussière sous le tapis qu'on la fait disparaître. Supprimer la vidéo ne fera pas disparaître les maux du monde ; en montrant la réalité crue, Facebook espère peut-être faire naître une prise de conscience, notamment dans le pays où a eu lieu cette morbide exécution pour pousser la société à refuser cette violence.
Mais c'est oublier que Facebook est fréquenté par de nombreux mineurs. Ces derniers peuvent être profondément marqués par le contenu de cette vidéo. En outre, la publication de la vidéo se fait sans aucune mise en garde ou contextualisation permettant, notamment, de prendre du recul. Si la démarche de Facebook est vraiment de montrer la réalité du monde, alors elle est très incomplète.
La législation
En outre, une telle diffusion peut être sanctionnée par la loi. Le code pénal, dans son article 227-24, expose par exemple que "le fait […] de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent […] ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine […] est puni […] lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur".
L'article précise que "lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises par la voie […] de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables". Des dispositions similaires existent dans d'autres pays, comme en Suisse précise 20 Minutes Online.
Volte-face
Le maintien de la séquence vidéo sur le réseau social a évidemment créé une importante polémique qui a poussé l'entreprise a changé de fusil d'épaule. Soucieuse de préserver son image et d'éteindre la controverse, elle a affirmé mercredi son intention de supprimer à l'avenir toutes les copies de cette décapitation présentes sur ses serveurs et signalées par les usagers.
Ce changement de ton ne se limite pas à cette seule vidéo, qui aurait été réalisée par le cartel mexicain de la drogue Los Zetas (celui-là même qu'Anonymous annonçait défier), dont l'un des modes opératoires est justement la décapitation d'adversaires (cartels rivaux, policiers, citoyens opposés au trafic de stupéfiants…), quand ce n'est pas la pendaison ou le démembrement.
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