Le mois dernier, deux journalistes de l'ancien site d'information Owni étaient convoqués à la Direction Centrale des Renseignements Intérieurs (DCRI), pour avoir publié un document "confidentiel défense" révélant les objectifs de la PNIJ, la Plateforme nationale d'interception judiciaire. Il s'agit de rassembler en un lieu unique l'ensemble des écoutes des conversations téléphoniques, SMS et autres utilisations d'Internet demandées par la police judiciaire, dans un souci d'économie et d'efficacité.
Or le projet est entaché de nombreuses zones d'ombre, voire d'irrégularités. L'Express publie ainsi un reportage très critique dans lequel l'hebdomadaire révèle que le projet a été octroyé à Thales sans même faire l'objet d'un véritable appel d'offres en bonne et due forme. Cinq entreprises qui travaillent déjà avec l'Etat sur les interceptions de sécurité ont ainsi obtenu du tribunal administratif de Paris l'annulation de l'appel d'offres qui ne leur avait pas été notifié, alors qu'elles ne pouvaient en prendre connaissance par elles-mêmes du fait du classement "confidentiel défense", décidé pour écarter les prestataires étrangers. Mais l'Etat refuse de faire marche arrière, vue les 15 millions d'euros déjà engagés dans le projet, et devra probablement indemniser les prestataires. Pour le plus grand bénéfice de Thales, qui conservera le marché.
Mais il y a plus inquiétant. L'Express révèle en effet que la PNIJ doit être mise en service dès le mois de septembre prochain, alors-même qu'il existe des doutes sérieux sur sa sécurisation. Frédéric Péchenard, le patron de la police nationale, aurait ainsi prévenu – en vain – dès 2011 qu'il était trop dangereux de rassembler toutes les écoutes de France et de Navarre en un seul lieu, faisant de la PNIJ une cible privilégiée des groupes criminels et autres hackers. Par ailleurs, le projet prévoirait que la redondance de sécurité de la plateforme soit opérée vers un site situé à seulement… 300 mètres de la plateforme principale. Ce qui veut dire qu'en cas d'incident majeur, les deux sites pourraient devoir fermer.
Pire encore. "Les gouvernants pourraient-ils avoir accès à des enquêtes en cours les concernant, eux ou leurs proches, en se connectant directement à cette plate-forme ? Nul ne le sait", assure l'hebdomadaire.
Enfin, comme c'est l'habitude sur ce type de projets privatisés, la question financière laisse perplexe. La facture aurait déjà presque triplé, passant de 17 millions d'euros prévus initialement à 43 millions d'euros. Sans compter l'indemnisation des FAI qui ont dû déployer leur fibre optique jusqu'à la PNIJ, ni la mise à niveau des réseaux des centres de la police judiciaire, ni d'autres frais induits par la plateforme. Au total, la PNIJ pourrait coûter plus de 100 millions d'euros.
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