Alors que les Français de l'étranger sont appelés à voter, l'accès et l'utilisation des listes consulaires posent de plus en plus question. Selon les constatations des candidats du Parti pirate et de plusieurs blogueurs s'intéressant à l'actualité nord-américaine, ces listes auraient été détournées à des fins de propagande politique par une association pour appeler les électeurs à soutenir Frédéric Lefebvre. Or, elle n'en a manifestement pas le droit.

Avec les outils numériques, les partis politiques ont désormais de nouveaux moyens à disposition pour s'organiser et aller au contact des électeurs. On se souvient que l'équipe de campagne de Barack Obama s'est appuyé sur Internet pour alimenter le militantisme, recruter des soutiens et diffuser les idées du candidat. D'autres formations, comme le Parti pirate, s'appuient aussi sur ces nouvelles technologies.

Mais encore faut-il que leur utilisation reste mesurée. Deux ans auparavant, des internautes avaient affirmé que des SMS envoyés par la précédente majorité avaient été reçus par des électeurs non encartés à l'UMP. Les textos les invitaient à aller voter pour choisir le futur président du parti. L'UMP s'était défendu de tout envoi de spam à des non membres, rappelant la licéité de l'opération lorsqu'il s'agit d'adhérents.

Du spam pour les Français de l'étranger ?

Aujourd'hui, de nouveaux faits ont émergé alors que certains Français de l'étranger sont appelés aux urnes dans le cadre d'élections législatives partielles. En effet, il leur faut désigner deux nouveaux députés représentant les Français établis hors de France : un pour la première circonscription (États-Unis, Canada) et un pour la huitième (Chypre, Grèce, Israël, Italie, Malte, Saint-Marin, Saint-Siège, Turquie).

Évidemment, chaque camp mobilise ses troupes. Mais selon le site Soir Américain, les soutiens de Frédéric Lefebvre auraient utilisé à leur compte les listes consulaires où sont inscrits les électeurs d'Amérique du Nord pour les inciter à soutenir leur champion. L'ancien élu, passé au secrétariat d'État en charge du commerce, des PME et de la consommation, se présente en effet dans la 1ère circonscription.

Le courriel est signé par Janine de Feydeau, présidente de l'association Âme Nord. Ce collectif soutient Frédéric Lefebvre, tandis que Janine de Feydeau est elle-même élue à l'Assemblée des Français de l'étranger et membre de la section UMP au Québec. Il est également signé de Jean Claude Zambelli, un autre soutien de Frédéric Lefebvre, et de Olivier Piton, suppléant du candidat.

Que chaque groupe mobilise ses militants, c'est tout à fait normal. Qu'un courrier, neutre, soit envoyé par l'administration pour éventuellement prévenir les Français inscrits sur les listes électorales et concernés par le scrutin, soit. Par contre, l'exploitation des listes consulaires à des fins de propagande électorale par d'autres personnes que les candidats (ou leur parti) est une situation très discutable.

Le code électoral autorise la communication et la copie des listes électorales de la circonscription à l'ambassade, au poste consulaire ou au ministère des affaires étrangères, lorsque la demande est formulée par les candidats ou leurs représentants (article L. 330-4). Cette autorisation vaut aussi pour "tout parti ou groupement politique représenté par un mandataire dûment habilité".

La réaction du Parti pirate

Or, le courrier pointé du doigt par Soir Américain n'émane ni à proprement parler de Frédéric Lefebvre, ni de son suppléant ni de l'UMP. Il a été envoyé par la présidente de l’association Âme nord. Pour ne rien arranger, l'association n'a pas encore de réalité juridique. Elle n'est pas mentionnée dans le dernier Journal officiel des associations. Et jusqu'à hier, c'était toujours le cas.

Du côté du Parti pirate, la candidate pour la première circonscription ne mâche pas ses mots. Sous un billet titré "les listes consulaires détournées", elle évoque une désinvolture "parfaitement scandaleuse" et demande à Frédéric Lefebvre de bien vouloir s'expliquer car "en aucun cas les candidats ne sont autorisés à les utiliser pour d’autres finalités que la campagne ou à communiquer ces adresses à des tiers".

Pour sa part, le candidat pirate pour la huitième circonscription, Alix Guillard, a rappelé que des soucis similaires se sont déjà produits dans cette circonscription. L'an dernier, un sondage réalisé par le CSA et  vendu à un journal destiné aux Français résidant en Amérique du Nord, French Morning, aurait été mené en exploitant les informations contenues dans les listes électorales.

Alix Guillard note d'ailleurs dans un article récent qu'une plainte est actuellement en cours auprès de la CNIL à propos de l'utilisation probable du fichier par cet institut de sondage pour interroger le Français résidents aux États-Unis en 2012, de façon illicite (cession de fichier et utilisation non électorale). À cette occasion, il précise d'ailleurs sa politique dans ce genre de cas.

Quel remède pour un souci récurrent ?

Pour éviter ce genre de désagréments, ne faudrait-il pas supprimer les courriers électroniques des listes électorales ? Une proposition assez a été avancée par le député EELV Sergio Coronado, dans un amendement sur pour réformer la représentation des Français de l'étranger. Il s'agissait de ne pas communiquer ces mails, afin de respecter les dispositions du code électoral.

"Toutefois, les adresses électroniques ne leur sont pas communiquées. Il leur est donné moyen de contacter l’ensemble des électeurs de la circonscription par voie électronique, par la création d’une liste de diffusion", proposait l'amendement, s'appuyant sur les multiples plaintes de détournement des listes consulaires à des fins publicitaires.

 L'amendement a été rejeté.

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