Suite à la remise du rapport de Pierre Lescure proposant d'adapter les politiques culturelles à l'ère numérique, les réactions ont été pléthoriques pour en commenter le contenu. L'un des pontes de l'industrie du disque en France, Pascal Nègre, n'avait toutefois pas encore réagi publiquement aux pistes avancées par l'ancien président de Canal+. Yahoo Finance lui a donné cette opportunité.
Sur Hadopi et le piratage
Questionné sur le transfert des compétences de la Hadopi vers le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), Pascal Nègre juge favorablement cette évolution. Pour lui, le maintien du dispositif "prouve bien ce que l'on pensait depuis le départ : c'était l'idée que c'était pédagogique", même si le concept de riposte graduée "a fait couler beaucoup d'encre à l'époque".
"On vous informe qu'il y a des moyens légaux d'écouter et de consommer de la musique et puis il y a des moyens illégaux" pour le faire, explique celui qui est aujourd'hui président d’Universal Music France et vice-président d’Universal Music International. Et le piratage dans tout ça ? Pour lui, ce problème ne peut que disparaître. Persévérer signifierait que l'internaute est "tordu".
"Je prends le cas de la musique, qui est clairement très largement en avance sur sa révolution digitale par rapport aux autres industries culturelles. Si vous voulez écouter un morceau de musique gratuitement, hé bien vous allez sur Deezer, Spotify, YouTube et vous l'avez. Et c'est gratuit ! Donc aller pirater, aujourd'hui, il faut vraiment être tordu, entre guillemets", lâche-t-il.
Sur la taxe sur les objets connectés
Interrogé ensuite sur la proposition de taxer les terminaux connectés au motif que l'accès à la musique (notamment en streaming) va prendre le pas sur le téléchargement, Pascal Nègre demande à voir. "Pierre Lescure a essayé de trouver des compromis qui sont très compliqués", explique-t-il. Le dispositif "n'est pas du tout clair" : comment sera-t-elle affectée ? À qui ?
"On ne connaît pas les mécanismes, alors que Jack Lang avait fait quelque chose de très intéressant", poursuit-t-il. Au lieu de créer une taxe, il a mis en place une redevance. "C'était quelque chose qui était géré par les ayants droit. Là, c'est quelque chose qui va dans la caisse de l'État et après l'État répartira l'argent comment il le souhaite".
Estimant que le débat sur le transfert de valeur "est un vrai débat", Pascal Nègre considère que c'est les suggestions de Pierre Lescure représentent un début. Or, le modèle est aujourd'hui remis en question, selon lui, même "s'ils ont mis des taxes là où ils pouvaient les mettre".
Jusqu'alors, chaque chaînon menant vers la consommation d'un contenu légal était payé (achat du terminal, paiement de l'abonnement, paiement indirect du moteur de recherche via la publicité…), sauf le contenu lui-même. D'où les efforts d'Universal, et plus généralement des autres industries culturelles, de redresser le tir et monétiser les contenus.
Sur l'adaptation au numérique
Pascal Nègre s'est également attardé sur la révolution numérique. En filigrane, il a tenu à répondre à ceux accusant régulièrement l'industrie du disque de ne pas avoir encore réussi à s'adapter à la nouvelle donne. Le PDG d'Universal Music France conteste cette vision. Ainsi, la moitié des affaires de la major à l'échelle mondiale est liée au numérique. "Donc cette révolution, ça y est ! C'est fait !".
"On a un business du [marché physique] qui est en train de baisser, et puis de l'autre côté on a un nouveau business, le digital, et ce modèle-là est en train de progresser très sérieusement", explique-t-il. "Aujourd'hui, un milliard de gens, tous les mois, qui vont regarder un clip sur YouTube. Hé bien, nous sommes en train de diffuser d'une manière légale l'ensemble de nos créations et en plus de les monétiser".
Plus généralement, le numérique et la mondialisation contribuent à propulser les affaires d'Universal Music. Avec les plateformes de téléchargement "mondiales" et "légales", la major peut faire des affaires dans des pays dans lesquels la maison de disques ne fait rien jusqu'à présent. Il y a donc une progression par marché qui s'opère et de nouvelles opportunités "très excitantes" qui s'ouvrent.
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