Depuis les révélations d’Edward Snowden, la fondation Wikimedia s’est engagée dans un gros chantier technique pour réduire la capacité de la NSA à surveiller les internautes se rendant sur Wikipédia. Elle a aussi lancé une action en justice. Numerama fait le point.

Pourquoi la NSA est-elle poursuivie ?

Lorsque la surveillance généralisée des télécommunications mise en place par la NSA a été révélée par Edward Snowden, la fondation Wikimedia n’a pas voulu rester sans rien faire. Elle a d’abord répondu sur un plan technique, afin de limiter l’exposition aux regards indiscrets de l’agence de renseignement : utilisation de l’extension HTTPS Everywhere, navigation via le réseau TOR ou encore l’arrivée de la confidentialité persistante.

Le Cyber Command, la NSA et le CSS. // Source : Fort George G. Meade

Le Cyber Command, la NSA et le CSS.

Source : Fort George G. Meade

Mais pour les responsables de la fondation, la technique ne suffit pas. Il fallait aussi agir sur le plan juridique afin de questionner la légalité de certains programmes secrets employés par l’une des principales et des plus secrètes agences de renseignement au monde. D’où le dépôt d’une plainte au printemps 2015 visant à la fois la NSA et le département de la justice des États-Unis pour faire cesser les programmes de surveillance de masse.

Lancée pour protéger les droits de ceux et celles visitant l’encyclopédie Wikipédia et les projets associés, la plainte a été soutenue par huit associations, comme Human Rights Watch et Amnesty International USA.

Quels sont les arguments avancés ?

Pour la fondation Wikimedia, « les pratiques actuelles de la NSA dépassent de loin les pouvoirs déjà très larges accordés par le congrès américain à travers l’amendement FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act) de 2008 ». « Ces pratiques violent le premier amendement de la constitution, qui protège la liberté d’expression, et le quatrième, qui impose un mandat et une justification solide pour toute perquisition », ajoute-t-elle.

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CC Kim Davies

La fondation Wikimedia considère également que les barrières mises en place pour limiter le contrôle des activités de la NSA par l’ordre judiciaire, ainsi que les activités mêmes de l’agence de renseignement, sont une infraction de l’article 3 de la Constitution, qui organise le pouvoir judiciaire. Elle pointe en particulier l’existence d’une cour spéciale, la Foreign Intelligence Surveillance Court (FISC), qui émet des avis consultatifs et interprète les activités de la NSA.

Qu’est-ce que le programme Upstream ?

Décrit dans les documents secrets qu’Edward Snowden a subtilisé en 2013, le programme Upstream vise à intercepter les informations circulant sur Internet en se branchant directement aux infrastructures du réseau mondial (en particulier au niveau des câbles en fibre optique qui relient les continents entre eux). Ce dispositif a été mis en place pour surveiller les communications internationales.

Les câbles sous-marins actuels

Les câbles sous-marins à proximité de l’Atlantique.

Avec l’aide de groupes comme AT&T et Verizon, la NSA effectue cet espionnage en se connectant directement aux dorsales Internet sur le sol américain — l’infrastructure physique qui transporte les courriels des internautes, leurs conversations en ligne et leur navigation sur le web. L’agence copie et se penche alors sur ces vastes quantités de trafic international. Et elle fait tout cela sans mandat, dénonce l’Union américaine pour les libertés civiles (Aclu).

Avec le programme Prism, qui se focalise sur les données situées dans les serveurs des grandes entreprises du net, Upstream constitue l’une des deux principales sources de la NSA pour obtenir des données transitant sur le net.

Pourquoi la plainte a-t-elle été rejetée en première instance ?

En première instance, l’action de la fondation Wikimedia a connu un gros revers. Dans un jugement rendu fin octobre 2015, la plainte de Wikimedia contre la NSA a été rejetée. Le magistrat chargé d’examiner le dossier s’est montré sévère avec les arguments avancés par les plaignants, les qualifiant de « peu convaincants », « incomplets » et « truffés de supposition ». Bref, rien ne justifiait d’aller plus loin.

Allégorie justice

CC Tim Evanson

Le dénouement judiciaire avait déconcerté la fondation Wikimedia et ses soutiens.

Très vite, les faiblesses de raisonnement du tribunal ont été dénoncées par les plaignants, pointant notamment que la surveillance permise par Upstream est « beaucoup plus intrusive », que la plainte s’appuie sur des documents confidentiels désormais connus de tous montrant la réalité de l’espionnage de masse ou encore qu’elle ignore comment les communications électroniques sont structurées.

Où en est l’action en justice ?

Près d’un an et demi après la déconvenue en première instance, où en est l’action en justice de la fondation Wikimedia ? Elle vient de reprendre du poil de la bête : comme le pointe The Verge, une cour d’appel a renversé le jugement d’octobre 2015 en estimant que les arguments avancés par la fondation Wikimedia étaient solides et logiques. La plainte contre la NSA et le département de la justice peut donc aller de l’avant.

loi justice

CC Rae Allen

« La fondation Wikimedia a de façon plausible allégué que ses communications parcourent toutes les routes qu’une communication peut prendre et que la NSA collecte l’ensemble des communications transitant le long d’au moins une de ces routes », fait observer le magistrat, qui a souligné l’ampleur qu’a pris la fondation Wikimedia sur le net et la forte probabilité que son trafic finisse par être capté par Upstream.

La remise en selle de la plainte ne signifie pas qu’en bout de course la fondation Wikimedia triomphera en justice. Mais le succès en appel est toutefois vu comme une importante victoire par les responsables de la fondation ainsi que par l’Aclu. « Cela représente une avancée importante […] et une victoire pour le respect des droits de vie privée et de la liberté d’expression pour les utilisateurs de Wikimedia », commente ainsi Wikimedia.

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