« Même si le terme peu paraître innaproprié« , a reconnu volontiers le ministre de la Culture devant les parlementaires, « je suis et je veux que vous soyez fiers de ce débat« , a-t-il indiqué au terme d’un combat des plus difficiles. Il aura fallu 9 journées et 17 séances pour parvenir au bout de l’examen des 29 articles que comptait le projet de loi initial sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI). Pour des motifs aussi bien procéduraux que pour le contenu même de certains articles, « nous saisirons bien sûr le Conseil constitutionnel« , a tenu pour sa part à confirmer Patrick Bloche, porte parole socialiste pendant toute la tenue du débat. Pour les socialistes, le résultat est « un très mauvais texte » aux « conséquences gravissimes« .
Jeudi, les parlementaires de la majorité ont adopté toutes les dispositions restantes de la loi, dont le volet très discuté de la « réponse graduée ». Les utilisateurs de logiciels de P2P seront passibles d’amendes de 150 euros lorsqu’ils mettent les fichiers protégés en partage (ce qui est quasi nécessairement le cas), et/ou d’une amende de 38 euros en cas de « simple acte de téléchargement ». Les parlementaires de l’opposition n’ont pas réussi à avoir d’explications précises sur la mise en œuvre de ces amendes, et notamment sur leur caractère cumulatif. Les internautes devront-ils payer 150 euros par fichier mis en partage, pour la totalité, pour un certain volume, ou pour une certaine durée ? Nul ne le sait, un décret d’application devra fixer ces critères qui auront une importance pourtant fondamentale pour les internautes.
Pour la mise en œuvre de cette chasse à l’internaute pirate, le ministre a expliqué en séance que les constats d’infraction seront opérés via des logiciels de P2P qui relèveront l’adresse IP de l’internaute contrevenant. Elle sera alors relevée par un officier de police judiciaire, et le parquet transmettra au FAI une demande d’identification de l’abonné. La grande interrogation de la preuve de l’identité de la personne qui était derrière l’ordinateur connecté avec l’adresse IP de l’abonné au moment de l’infraction n’a toutefois pas été clarifiée par le gouvernement, ni celle des garanties nécessaires aux droits de la défense. Tout laisse à penser donc que ce volet répressif ne sera pas applicable, s’il n’est pas tout simplement invalidé par le Conseil constitutionnel au nom notamment du principe de la légalité des délits et des peines.
Microsoft et Apple contraints à l’interopérabilité
C’est toutefois dans une grande convivialité que s’est achevée vers 4H du matin l’ultime séance d’examen du texte. Pris de remors, le député UMP Cazenave appuyé par son collègue Carrayon a demandé que l’article 7 bénéficie d’une seconde délibération, ce qui fut accepté. Dans sa première adoption, l’article 7 sur la protection des mesures techniques de protection (DRM) faisait peser de graves menaces sur l’interopérabilité et le logiciel libre. Après un travail commun de réécriture, une coalition droite-gauche a pu se former dans la nuit pour aboutir, selon les propres mots de Patrick Bloche, a « une rédaction parfaite« . Contre l’avis du gouvernement et du rapporteur, deux amendements socialistes ont été adoptés pour accompagner les amendements UMP.
Avec cette nouvelle écriture de l’article 7, adopté par les parlementaires, les fournisseurs de mesures techniques de protection auront l’obligation de communiquer les informations nécessaires à la mise en œuvre de l’intéropérabilité. Au besoin, tout particulier pourra demander au président du tribunal de grande instance d’ordonner en référé, sous astreinte, la communication de ces informations, et seuls les frais logisitiques pourront être exigés notamment par Apple ou par Microsoft. Le code source des solutions d’interopérabilité mises en œuvres grâce à ces documentations pourra être diffusé librement, et enfin tout DRM pourra être contourné pour fins de décompilation.
« Grâce à notre vote les grands gagnants sont les consommateurs« , a tenu à saluer sur cette bonne note le socialiste Christian Paul, qui regrette néanmoins que sa demande de nouvelle délibération sur l’amendement Vivendi n’ait pas été acceptée.
Le vote solennel par l’Assemblée Nationale aura lieu le mardi 21 mars. Le texte devra alors être envoyé au Sénat – probablement au mois de mai, et passer l’épreuve du Conseil constitutionnel qui aura beaucoup à examiner dans ce lourd dossier.
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