Est-ce une tentative de reprendre des cartes en main au moment où le ministère de la Culture prépare sa propre étude sur les échanges non marchands, ou la manifestation d'un sursaut d'orgueil qui la pousse, à l'article de la mort, à enfin dire, au fond, tout le mal qu'elle pense de la lutte contre le piratage après trois années de basses besognes qui lui ont montré que la riposte graduée n'avait aucun effet ?
Dans un communiqué inattendu publié jeudi soir, l'Hadopi a fait savoir qu'elle commençait "l’analyse de la possibilité, ou non, de modéliser un système de rémunération compensatoire des échanges non marchands". En guise de giffle à la mission Lescure qui a exigé sa fausse mise à mort, il s'agit de montrer enfin qu'il peut exister une alternative crédible à la lutte contre le piratage, que Pierre Lescure n'a pas eu le courage — ou l'intérêt — de défendre.
"Un même usage est qualifié soit de « piratage en ligne », soit « d’échange non marchand »", constate l'Hadopi, qui ajoute que cet usage est "complexe, migrateur et résilient". Donc impossible à arrêter. Et si on ne peut l'arrêter, il faut l'accepter, voire l'embrasser.
Si l'Hadopi met en oeuvre la riposte graduée, c'est parce qu'elle "a pour mission de dissuader" le piratage. Mais elle veut démontrer qu'elle peut aussi être leur alliée, avec une proposition innovante, capable de renverser les tables.
Une rémunération proportionnelle du partage
Aussi, la Haute Autorité propose "d’évaluer la pertinence et la faisabilité d’une « rémunération proportionnelle du partage » emportant acceptation des échanges concernés". L'idée n'est pas de légaliser le piratage, mais de "s'inspirer" de la rémunération pour copie privée, qui compense la réalité d'un usage, avec deux postulats cumulatifs:
- seule la consommation non marchande des œuvres protégées peut engendrer une compensation financière potentielle ;
- seules les entités tirant, par leurs activités, un gain marchand des échanges non marchands des œuvres protégées doivent participer à la compensation, à due proportion du volume, de la nature des activités, et du profit qui en est retiré.
Contrairement à la licence globale, ce ne sont donc pas les abonnés à Internet qui payeraient pour le téléchargement et le partage des films, musiques et autres livres entre particuliers, mais tous les acteurs qui en tirent profit à différents degrés, à due proportion de leur implication dans la chaîne de partage (on pense aux FAI, fabricants d'ordinateurs et de téléviseurs, services de stockage en ligne, etc.).
Pour le moment, il s'agit uniquement d'une étude, qui pourrait aboutir à la conclusion qu'un tel système est impossible. Elle a en tout cas le mérite, enfin, d'ouvrir sérieusement le débat sur une voie qui n'est pas sans rappeler notre propre proposition de licence de diffusion culturelle (LDC), établie au début de l'année 2004. Il y a presque 10 ans.
Un premier document soumis à consultation sera rendu public "prochainement", et commencera par définir les usages susceptibles d'être considérés comme "non marchands".
Vivement.
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