Deux jours après la mise en place de sanctions sur le Qatar par quatre pays arabes, les Émirats arabes unis viennent d’annoncer des peines allant jusqu’à 15 ans de prison pour quiconque publierait des messages sympathiques envers Doha.

Remontons au début de l’histoire.

Depuis que le Qatar a une existence dans la géopolitique arabe, ses relations avec ses voisins sont compliquées. Le principal responsable s’appelle Al Jazeera, chaîne d’information lancée en 1996 avec les rescapés de la BBC Arabic — que les Saoudiens avaient précédemment fait fermer car trop incisive. Doha, électron libre sur bien d’autres plans (voir plus bas), est donc habitué aux ruptures diplomatiques passagères. Mais cette fois-ci pour les pays du Golfe, la coupe était vraiment trop pleine.

« Des mesures strictes et fermes seront prises contre quiconque montre de la complaisance […] envers le Qatar »

Lundi, arguant des liens avec le terrorisme, ce sont donc l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte qui rompent tout contact diplomatique avec le Qatar expulsent leurs résidents qataris, et organisent un blocus économique. Ont dépuis rejoint le mouvement les Maldives, la Mauritanie, la Libye de Tobruk et les Comores, avec le soutien jordanien et les félicitations de Donald Trump, quand bien même les États-Unis maintiennent 8 000 personnes dans leur base militaire qatarie d’Al-Udeid.

Pour couronner le tout, les Émirats viennent donc de déclarer que publier des messages de sympathie pour le Qatar serait passible de 15 ans d’emprisonnement et de 500 000 dirhams (150 000 €) d’amende. Selon le journal émirien Gulf News, le procureur général Hamad Saif Al Shamsi a ainsi affirmé : « Des mesures strictes et fermes seront prises contre quiconque montre de la complaisance ou toute forme de biais envers le Qatar, ou quiconque objecte à l’attitude des Émirats arabes unis, que ce soit par les réseaux sociaux, ou toute forme écrite, visuelle ou verbale ».

Cette peine équivaut à ce que prévoit l’article 180 du code pénal émirien pour quiconque « gère une association, corporation, organisation ou toute branche de celles-ci, avec le but de renverser le régime de l’État ». Le décret de 2012 sur les cybercrimes prévoit quant à lui jusqu’à la perpétuité pour ceux qui « prôner[aient] le renversement, le changement, ou l’usurpation du système de gouvernance de l’État » par des moyens électroniques.

Le Qatar, ce cher voisin

Depuis lundi, la twittosphère arabe se retrouve autour du hashtag #قطع_العلاقات_مع_قطر qat’ al-‘alâqât ma’a Qatar (« rupture des relations avec le Qatar »), tout en étant bien divisée sur le jugement à apporter à Doha. Les partisans des sanctions se rejoignent également sous le hashtag #قطر_ترعى_الإرهاب Qatar tar’â l-irhâb (« le Qatar cultive le terrorisme »).

[tweeto habitant au Koweït]
On écrira dans l’histoire un jour :
vous vous êtez accordés sur le Qatar en 6 jours
mais pas sur Bashar en 6 ans
et pas sur Israël en 60 ans

[éditorialiste au journal saoudien Al-Yaum]
Le #Qatar et la chaîne Al Jazeera, qui a été visitée par chaque président israélien, a été celle qui a diffusé Al-Jawlani [le leader d’Al-Qaïda en Syrie], donné la part belle à Ben Laden, convié les talibans et puis les Frères musulmans

Au-delà d’Al Jazeera, la pétromonarchie dérange par son attitude de médiateur universel des problèmes de la région. Stratégie vitale pour cette quasi cité-État coincée entre de puissants voisins, mais qui lui fait entretenir des liens ambigüs avec des groupes infréquentables. Les pays du Golfe ont dans le viseur les Frères musulmans, islamistes « modérés » chassés du pouvoir en Égypte par un coup d’État en 2013, et le Hamas de Gaza qui y est lié idéologiquement — tout comme l’est Al Jazeera Arabic.

Doha a aussi de bonnes relations avec l’Iran, avec qui il partage le plus grand champ gazier au monde. Or, la république islamique se trouve être le grand ennemi politico-économico-religieux de l’Arabie saoudite. Le volet iranien de la crise trouve cependant peu d’écho sur les réseaux sociaux.

Au Qatar même enfin, c’est le blocus terrestre sur les denrées alimentaires qui inquiète, dans une petite péninsule désertique qui ne comporte que 1 % de terres arables. Le fait d’être en plein ramadan, période de forte consommation alimentaire, ajoute à la panique dans les supermarchés. Même si le hub maritime de 2,5 millions d’habitants qu’est Doha a peu de chances de finir véritablement affamé.

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