C'était probablement déjà le cas en pratique. Ce sera désormais légal. Publié ce jeudi, un arrêté signé par le ministre de l'intérieur Manuel Valls et la ministre de la Justice Christiane Taubira fixe les conditions dans lesquelles les policiers peuvent s'infiltrer sur Internet pour constater les provocations et apologies au terrorisme, en usant de pseudonymes pour recueillir les preuves.

Dans un rapport publié le mois dernier par la Commission d'enquête sur les services de renseignement, le juge anti-terroriste Jean-Marc Trévidic avait décrit le rôle clé d'Internet dans le terrorisme moderne, et en particulier l'effet qu'avait la décentralisation des moyens de communication. "Internet ayant diffusé dans toute la société, il n’est plus besoin du prêche enflammé d’un imam dans une mosquée salafiste" pour toucher des jeunes influençable et les convaincre de rejoindre le djihad, constatait-il. Il assurait que l'absolue totalité des jeunes déférés aux pôles anti-terroriste de Paris avaient été "embrigadés par le biais d'internet". 

Il révélait aussi que "beaucoup de services de renseignement préfèrent que les sites (djihadistes) restent ouverts car c’est ainsi qu’ils s’informent", et que désormais, "en matière de radicalisme islamiste, la presque totalité des preuves a été obtenue par la surveillance de l’internet".

Mais comment les obtenir ? La loi Loppsi du 14 mars 2011 a ajouté l'article 706-25-2 du code de procédure pénale, qui dispose que pour constater sur Internet les provocations aux actes de terrorisme, ou l'apologie du terrorisme, "les officiers ou agents de police judiciaire (…) peuvent, s'ils sont affectés dans un service spécialisé désigné par arrêté du ministre de l'intérieur et spécialement habilités à cette fin" :

  • Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ;
  • Etre en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;
  • Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions.

La seule limite est de ne pas inciter à commettre un acte terroriste.

Un arrêté du 19 septembre 2011 signé par l'ancien ministre de l'intérieur Claude Guéant avait fixé la liste des services autorisés à mettre en oeuvre ces interventions pseudonymées sur Internet, avec en particulier la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire, l'OCLCTIC, la DCRI, mais aussi de façon plus inattendue, l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière, ou l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique.

Mais il manquait toujours un texte pour encadrer les habilitations. C'est désormais chose faite. Publié ce jeudi, l'arrêté du 24 juin 2013 signé par Manuel Valls et Christiane Taubira dispose que les officiers et agents doivent avoir été "spécialement habilités par le procureur général près la cour d'appel de Paris", après agrément du service auquel ils sont attachés.

L'arrêté précise que les policiers doivent avoir reçu "une formation spécifique", laquelle sera probablement dispensés par le Service interministériel d'assistance technique, qui est chargé de la formation des agents infiltrés.

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