Dans le cadre de la lutte anti-terroriste, une nouvelle loi sécuritaire est d’ores et déjà sur les rails. Une de plus, la vingt-troisième depuis trente ans (depuis le 9 septembre 1986, vingt-deux textes ont été promulgués en France ; le dernier en date remonte au 3 juin 2016). En effet, le nouveau gouvernement a dans les cartons un projet de loi visant à « renforcer la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure ».
Cet avant-projet de loi n’a pas fait pour l’instant d’une communication particulière de la part de l’équipe dirigée par Édouard Philippe. Et pour cause : le contenu du texte n’est pas définitif, même si, selon les informations du Monde, une présentation a d’ores et déjà eu lieu lors du conseil de défense et de sécurité nationale organisé le mercredi 7 juin et qu’une copie a été adressée « dans la foulée » au Conseil d’État.
Officiellement, ce texte doit permettre à la France de sortir de l’état d’urgence qui a été maintenu sans arrêt depuis le 14 novembre 2015. En réalité, les contempteurs du texte font remarquer que le projet de loi, dans sa version actuelle, ne fera pas vraiment sortir le pays de ce régime d’exception : il en banalisera les mesures en les faisant entrer dans le droit commun.
Si le gouvernement se refuse à tout commentaire à ce sujet, le document étant susceptible d’évoluer en fonction des commentaires des membres du Conseil d’État avant d’être présenté en conseil des ministres le 21 juin, Le Monde a pris la décision de publier la totalité du texte afin de le « livrer au débat public » au de vu « de l’importance de ce projet dans l’évolution de l’équilibre entre sécurité et protection des libertés ».
Donner ses identifiants
L’avant-projet ratisse large : des périmètres de protection à la fermeture des lieux de culte, en passant par la surveillance, les obligations individuelles, les perquisitions et les techniques de renseignement, les problématiques abordées sont nombreuses et plusieurs d’entre elles concernent sans surprise les communications électroniques, renforçant un arsenal juridique déjà copieux.
Parmi les outils juridiques que demande le gouvernement se trouve le chapitre VIII, intitulé « surveillance et autre obligations individuelles », qui a vocation à figurer dans le code de la sécurité intérieure. Certains articles méritent d’être cités, en particulier les articles L228-3, L228-4, L228-5 et L2228-6.
- L’article L228-3 énonce que « le ministère de l’intérieur peut, en complément [des obligations prévues à l’article L228-2], ordonner que [la personne visée par l’autorité administrative] soit placée sous surveillance électronique mobile. La personne concernée est astreinte, pendant toute la durée du placement, au port d’un dispositif technique permettant à tout moment de déterminer à distance si elle a quitté le périmètre défini […] ».
- L’article L228-4 indique que « le ministre de l’intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République de Paris faire obligation à toute [personne ciblée par l’autorité administrative] de déclarer ses identifiants de tout moyen de communication électronique dont elle dispose ou qu’elle utilise, ainsi que tout changement d’identifiant ou tout nouvel identifiant ».
- La personne ne devra pas non plus « se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics », ce qui interdit implicitement tout échange par communication électronique.
- L’article L228-5 expose que « la décision du ministère de l’intérieur est écrite et motivée. Le ministère de l’intérieur ou son représentant met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai maximum de huit jours après la notification de la décision. La personne concernée peut, dans le délai d’un mois suivant la notification de la décision et suivant la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. le tribunal administratif statue dans un délai de deux mois à compter de la saisine […] » .
- L’article L228-6 précise quant à lui les sanctions encourues en cas d’infractions des articles mentionnés plus haut. Au maximum, l’individu s’expose à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.
https://twitter.com/AdrienneCharmet/status/872815569195728898
Il reste à voir si ces articles sont définitifs ou s’ils évolueront après l’avis du Conseil d’État et le travail parlementaire. À ce sujet, Adrienne Charmet, qui a coordonne les campagnes de La Quadrature du Net, note que certaines dispositions dans le nouveau projet de loi antiterroriste sont des redites de mesures qui avaient été retoquées dans un précédent texte.
Il parait assez peu vraisemblable que des articles rejetés auparavant aient une meilleure chance cette fois de passer. Adrienne Charmet rappelle que ces dispositions, étudiées lors du projet de loi sur le crime organisé, constituent une atteinte au droit de se taire. À moins, comme le suggère l’avocat Rubin Sfafj, qu’il ne s’agisse que d’un gage donné aux services, en sachant bien que ça ne passera pas.
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