L’avant-projet de loi destiné à « renforcer la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure » contient des dispositions qui concernent la sphère numérique et les communications électroniques. Il revient en particulier sur la surveillance des communications par voie hertzienne.

L’avant-projet de loi destinée à « renforcer la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure », vis-à-vis duquel le gouvernement se montre pour l’instant très discret, fait l’objet d’une flopée de critiques depuis que le journal Le Monde a mis en ligne une copie du texte. En effet, les dispositions qu’il contient devraient faire entrer les dispositions de l’état d’urgence, qui est un régime d’exception, dans le droit commun.

Couvrant diverses problématiques, l’avant-projet de loi s’attarde sans surprise sur la sphère numérique et les communications électroniques. Parmi les mesures à noter figure dans le cadre d’une affaire de terrorisme, l’obligation de transmettre aux autorités tous les identifiants que les personnes visées par l’administration utilisent en ligne, par exemple pour se connecter à un réseau social ou à une boite mail.

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Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur.
C Philippe Grangeaud

Le futur texte de loi liste aussi des mesures concernant l’interception et l’exploitation des communications empruntant « exclusivement » la voie hertzienne, selon deux articles, L852-2 et L854-9-1, qui figurent au chapitre sur les « techniques de renseignements ». Une délimitation qui a fait réagir Alexandre Archambault, avocat spécialiste des réseaux et ex-responsable des affaires réglementaires chez Free.

« Vous en connaissez beaucoup vous des réseaux mobiles qui sont exclusivement hertziens ? Les antennes sont raccordées comment déjà ? », a-t-il écrit ce jeudi matin à la lecture de l’avant-projet de loi, plaisantant sur le fait que ces dispositions sont de nature à concerner directement les personnes émettant par radio sur la bande CB.

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CC Thomas Hawk

Que prévoit le texte ?

L’article 852-2 dispose que « […] peuvent être autorisées les interceptions de correspondances échangées au sein d’un réseau de communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques, lorsque ce réseau est réservé à l’usage d’un groupe fermé d’utilisateurs […] ».

Selon Alexandre Archambault, ces dispositions permettent de faire rentrer dans le périmètre les réseaux WLAN et maillé (ou mesh). Un réseau maillé est un réseau Internet local dont la taille dépend du nombre de terminaux interconnectés, sans avoir besoin de passer par un FAI ou un opérateur de téléphonie mobile. Il sert par exemple à constituer des réseaux dans des zones où l’accès à Internet fait défaut.

Un texte qui autorise l’interception et l’exploitation des communications empruntant exclusivement la voie hertzienne

L’article L854-9-1 poursuit en indiquant que « les services de renseignement […] sont autorisés aux seules fins de la défense et de la promotion des intérêts fondamentaux de la nation […] à procéder à l’interception et à l’exploitation des communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques exploitant un réseau ouvert au public […] ».

Concernant la conservation des éléments récupérés dans ce cadre, l’article L854-9-2 précise que « les renseignements collectés sont détruits à l’issue d’une durée maximale de six années ». Et en cas de chiffrement ? La durée de conservation passe à huit ans. Il est ajouté que «  les transcriptions ou extractions doivent être détruites dès que leur conservation n’est plus indispensable […] ».

Quel contrôle ?

Dans ce contexte, quel rôle pour la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ? L’article 854-9-3 évoque simplement que « le champ et la nature des mesures prises […] sont présentés chaque année » à la commission, visiblement sans contrôle préalable. Mais la CNCTR « peut, à sa demande, se faire présenter sur place les capacités fixes d’interception des communications hertziennes ». Les capacités « mobiles » sont manifestement oubliées. Volontairement ?

Elle peut aussi « solliciter du premier ministre tous les éléments nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Elle peut adresser à tout moment au premier ministre , ainsi qu’à la délégation parlementaire au renseignement, les recommandations et les observations qu’elle juge nécessaires au titre du contrôle qu’elle exerce sur l’application du présent article ».

La surveillance hertzienne

La problématique de la surveillance hertzienne a surgi l’an dernier lorsque le Conseil constitutionnel a censuré un article qui excluait toutes les ondes hertziennes (Wi-Fi, téléphonie mobile…) des mécanismes de protection de la vie privée et du droit au secret des correspondances, interdisant de fait aux services de collecter, d’enregistrer et d’écouter les communications sans restriction ni contrôle.

L’article en question offrait aux services une possibilité d’écoute sans limite dès lors que les communications interceptées passent à un moment ou un autre des ondes hertziennes. La censure effective de cet article, qui existait dans la législation depuis vingt-cinq ans sous une autre numérotation, a toutefois été décalée au 31 décembre 2017 pour laisser le temps au législateur de rédiger une nouvelle loi.

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