L'affaire est entendue. Le gouvernement a définitivement arbitré en faveur du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). C'est donc lui qui récupérera les pouvoirs de la Hadopi, à l'issue d'une procédure législative accélérée qui privera de débat les députés de l'Assemblée nationale. Ce transfert s'opérera via un amendement, déposé par le sénateur David Assouline, au projet de loi sur l'indépendance de l'audiovisuel public.
Dans ces conditions, l'audition conduite ce jeudi matin par David Assouline afin d'entendre Marie-Françoise Marais, présidente du collège de la Hadopi, et de Mireille Imbert-Quaretta, en charge de la commission de protection des droits, n'était qu'un exercice de pure forme. L'exécutif a décidé d'en finir avec la Hadopi et c'est David Assouline qui s'est chargé de prononcer l'éloge funèbre.
Devant le fait accompli, les deux présidentes de la Hadopi ont néanmoins plaidé leur cause. À David Assouline, Marie-Françoise Marais est catégorique. Non, le transfert de la riposte graduée au CSA ne permettra pas d'endiguer une hausse hypothétique du piratage. Pire, à ses yeux : L'opinion publique ne retiendrait que la suppression de l'Hadopi, ce qui serait contreproductif et affecterait 4 ans de travail.
Différence d'approche
Marie-Françoise Marais a aussi rappelé en creux les conclusions des labs Hadopi sur le filtrage. "Nous tenons à rappeler notre refus le plus catégorique de recourir à des méthodes intrusives. Toute politique d’Internet s’appuyant sur une démarche de surveillance, de régulation excessive, ou de priorisation des flux me paraît à la fois risquée et incompatible avec la nature même du réseau, qui tient à sa neutralité".
Autrement dit, l'approche de la Haute Autorité n'a rien à voir avec celle du CSA, dans la mesure où celui-ci n'est pas opposé à la priorité sur les flux audiovisuels légaux sur Internet, souhaite réguler les vidéos personnelles, établir une labellisation des sites web et d'opérer, si besoin, mettre en place des moyens de filtrage des sites et de services ne suivant pas ses instructions.
Enjeu budgétaire
Au fil de son discours, Marie-Françoise Marais s'est interrogée sur les justifications économiques avancées en ces temps de crise pour en finir avec l'institution. Pointant le fait que "le budget de l’Hadopi représente un millième du budget du ministère de la culture", la présidente a remarqué l'absence de réflexion sur les manières de réduire les dépenses. Un comble, alors que le coût a été dénoncé par la ministre elle-même.
"Les grilles salariales ont-elles été comparées pour évaluer le coût social du transfert ? Non. A-t-on évalué les coûts de transfert physique des installations ? Non. A-t-on étudié le cas des agents éventuellement en 'doublon' de fonction ? Non. A-t-on comparé les coûts de fonctionnement des services du CSA à ceux de l'Hadopi qui sont exceptionnellement bas ? Non".
Le transfert est acté
Aux remarques des deux présidentes, David Assouline a délivré une réponse constante : le transfert des missions de la Hadopi est acté. Cette question est arbitrée et devra être concrétisée sur le plan législatif dans les plus brefs délais. De toute façon, "on n'aura pas le temps d'avoir beaucoup d'échanges" a-t-il dit. Il n'y en aura aucun à l'Assemblée , au grand dam de Laure de la Raudière et Christian Paul.
L'audition, qualifiée de simulacre par plusieurs personnels de la Hadopi dans la mesure où les décisions ont d'ores et déjà et prises tout comme les mesures pour court-circuiter l'Assemblée, n'aura donc servi à rien, si ce n'est à signifier officiellement à Marie-Françoise Marais et à Mireille Imbert-Quaretta leur prochaine mise à l'écart. Et tant pis si les moyens ne suivent pas.
Le parallèle avec l'ARCEP
Non sans une certaine résignation, les deux présidentes de l'autorité publique indépendante ont pris acte de la tournure des évènements. Mireille Imbert-Quaretta a néanmoins voulu avertir le législateur et à travers lui l'exécutif, en faisant remarquer qu'il était d'abord question de remplacer la Hadopi et son dispositif, et non d'aboutir à une suppression unilatérale.
En conclusion, la présidente de la commission de protection des droits a invité la classe politique à réfléchir à ce qu'il se produirait si c'était en réalité l'ARCEP qu'on envoyait au pilori. "Est-ce qu’on apprécierait de la même façon la mort de l’ARCEP ?". Et d'ajouter qu'il ne faut pas conserver l'Hadopi par principe, mais faire en sorte que soit préservé le périmètre de ses missions. Or, le CSA n'aura pas davantage de moyens.
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