C'est peut-être un cadeau de consolation face à l'abandon de la taxe sur les appareils connectés, et au renoncement d'un transfert rapide de l'Hadopi vers le CSA. Alors que l'on ne l'attendait pas sur ce terrain, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a annoncé en fin de semaine dernière que le taux de TVA appliqué aux entrées de cinéma allait passer de 7 % à 5 %, dès le mois de janvier 2014. La nouvelle était d'autant plus inattendue (quoique les lecteurs de Numerama en entendent parler depuis cet été) que les professionnels du secteur redoutaient au contraire que le cinéma ne voit son taux de TVA augmenter à 10 % en janvier 2014, comme ce sera le cas d'autres secteurs soumis au taux intermédiaire.
Pour se justifier du cadeau, la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) présidée par Richard Patry a mis en avant une "chute de 10 %" de la fréquentation en salles, et assuré qu'elle militerait auprès de ses salles pour répercuter la baisse sur "certains" tarifs (pas tous), en particulier à destination des jeunes. Sous-entendu, la baisse de la TVA est censée relancer la fréquentation des salles de cinéma.
Mais qui peut le croire ?
Même à considérer que le prix de la place de cinéma baisse effectivement à due proportion, la TVA est bien trop faible pour avoir le moindre effet sur la consommation. En prenant en compte les réductions et autres cartes d'abonnements, qui représentent la majeure partie des ventes, le prix moyen d'une place de cinéma en France était de 6,42 € TTC en 2012 (source : bilan 2012 du CNC), soit 5,99 € HT. En appliquant une TVA à 5 %, le billet passerait à 6,30 €. Soit 12 centimes d'économies. Sans doute le spectateur est-il sensible à son cette baisse, mais peut-être pas au point d'aller davantage au cinéma parce qu'il payera 12 centimes de moins à partir de 2014 ?
Pas de crise pour les salles de cinéma
A titre individuel, la baisse de la TVA ne changera rien. En revanche pour la profession, qui a enregistré 1,3 milliards d'euros de recettes aux guichets en 2012, la différence est sensible. Ce sont plus de 25 millions d'euros de TVA encaissée en moins, qui pourront être repris sur la marge bénéficiaire si la baisse de la TVA n'est pas (ou peu) répercutée aux clients. Jackpot.
Pourtant, la prétendue baisse de 10 % de la fréquentation n'existe pas, sauf à prendre une focale très courte pour observer les courbes. Les derniers chiffres du CNC montrent effectivement que sur les 12 derniers mois, les entrées ont baissé de 9 % par rapport à la même période sur 2011/2012. Mais c'est oublier bien vite que les salles de cinéma ont explosé des records ces dernières années, malgré la crise, et que la "baisse" n'est qu'un retour à la normale. Peut-être que cette année les salles ne franchiront pas la barre symbolique des 200 millions de billets, mais elles resteront bien au dessus du niveau d'avant-crise. Une situation que leur envierait bien des secteurs.
Dès lors, il est étonnant de constater qu'en pleine purge des dépenses publiques, à l'heure où les Français sont amenés à participer de plus en plus au redressement des finances de l'Etat, le cinéma soit ainsi épargné, et même favorisé. Il n'y avait aucune raison économique à un tel cadeau fiscal.
Même la SACD s'en est émue, en disant "et moi ?".
"Le gouvernement s'est arrêté au milieu du gué !", déplore la société des auteurs dans un communiqué. Contrairement aux exploitants de salles de cinéma, les auteurs verront leur TVA augmenter de 7 à 10 %. Dès lors, la SACD "ne comprend pas que le gouvernement persiste à taxer davantage les auteurs, dont une large partie subit déjà de plein fouet la crise économique".
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