Mise à jour : après adoption d’un délai jusqu’à la fin de l’année, la loi entrera finalement en vigueur en janvier 2018.
L’Allemagne est le premier pays européen à se doter d’une loi emblématique contre les discours haineux sur le web : le texte, en discussion depuis plusieurs mois, a enfin été adopté par le Parlement ce vendredi 30 juin.
Au lendemain des élections législatives de septembre, les réseaux sociaux qui comptent plus de 2 millions d’utilisateurs, comme Facebook, Twitter et YouTube, s’exposeront à une amende pouvant s’élever à 50 millions d’euros s’ils ne suppriment pas sous 24 heures les contenus haineux (insultes, appel à la violence, propagande terroriste…) — mais aussi les fake news — qui leur sont signalés. Les cas les plus problématiques, qui nécessitent un temps de réflexion prolongé pour pouvoir être tranchés, doivent quant à eux être traités sous 7 jours.
Le ministre de la Justice allemand, Heiko Maas, qui porte cette loi de longue date, prévoyait initialement une amende systématique de 50 millions d’euros. Mais il a depuis atténué la sanction afin que les entreprises subissent une telle punition financière uniquement si elles manquent à leur obligation de manière répétée — plutôt qu’à chaque cas individuel. L’Allemagne obligera aussi les réseaux sociaux à dévoiler l’identité des auteurs de ces publications haineuses et pourra condamner, en cas de manquement, jusqu’à 5 millions d’euros d’amende les responsables désignés par chaque réseau social pour gérer ces plaintes.
Reporters sans frontières s’inquiète de cas de censure
Facebook, qui compte 30 millions d’utilisateurs en Allemagne — sur un total de 2 milliards — est particulièrement visé par cette mesure. Fin mai, l’entreprise avait mené une charge virulente contre le projet de loi : « La loi ne peut pas transférer ses propres lacunes et responsabilités aux entreprises privées. La prévention et la lutte contre les discours haineux et les fake news est une responsabilité publique que l’État ne peut esquiver. » La plateforme fondée par Mark Zuckerberg ajoutait : « Le montant des amendes n’est pas proportionnel au comportement qui serait sanctionné. »
Début mai, Reporters sans frontières s’inquiétait des risques de censure engendrés par la loi : « [Elle] ferait peser sur les réseaux sociaux la charge de déterminer, dans des délais très courts, ce qui relève de l’un ou l’autre, et d’agir en conséquence. […] RSF craint donc que cette loi mène à des dérives et à la multiplication de cas de censure dans la mesure où les réseaux sociaux pourraient être tentés de supprimer plus de contenus pour payer moins d’amendes, ce qui est bien entendu incompatible avec les textes internationaux en matière de droits de l’Homme. »
L’ONG déplore aussi que ce genre de décision importante soit placé entre les mains des réseaux sociaux — des entreprises privées — plutôt que dans celles des gouvernements, rejoignant ainsi la ligne de défense invoquée par Facebook. Heiko Maas campe sur sa position : « La liberté d’expression s’arrête là où la loi pénale commence. » La proposition allemande a en tout cas été remarquée : elle a notamment fait des émules au Royaume-Uni et au sein de l’Union européenne.
Les règles de modération de Facebook en matière de contenu haineux — applicables sans distinction dans le monde entier — s’avèrent pour le moins déroutantes, alors que le réseau social vient d’affirmer qu’il supprimait 66 000 publications de ce genre par semaine.
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