La figure bonhomme et historique d’Eugene Kaspersky a toujours nourri les suspicions et les fantasmes.
Cet ingénieur russe, surdoué et affable, a traversé les décennies de l’informatique en éveillant jalousie et méfiance. Ses années d’étude auprès du KGB, école de l’excellence informatique des années 1980, ont fourni à la légende sa part de mystères et de défiance. Par ailleurs, l’excellente santé financière de son entreprise malgré les crises et difficultés financières de la Russie font de Kaspersky non seulement le plus influent entrepreneur technologique russe mais également une vraie exception dans un paysage économique morose.
En somme, le succès et l’histoire singulière de cette firme, entre la légende et le réel, se rapprochent du fantasme. Et pour Eugene, c’est l’espionnage qui a toujours suivi sa trace. Victime de procès d’intentions et de la suspicions à l’égard des Russes depuis ses débuts, l’enfant de Novorossiisk est resté douteux aux yeux de certains observateurs notamment américains, comme poursuivi par les mythes de l’ère soviétique.
Des logiciels qui sèment le doute à Washington
Avec le retour en force des affrontements entre services secrets nord-américains et russes, et l’importance prise par les cyberattaques dans la relation Moscou — Washington, la légende est repartie de plus belle. Au point que Eugene lui-même s’est dit prêt à dévoiler des parties de son code propriétaire au gouvernement américain afin de montrer patte blanche.
Une invitation à découvrir les secrets de ses produits antivirus qui intervient quelques jours après les multiples interrogations lancées par le FBI auprès des équipes de Kaspersky.
« Pour la Russie, c’est très inhabituel d’avoir un entrepreneur russe qui réussit à travers le monde… Mais c’est vrai »
L’enquête du bureau semble clore une séquence de doutes débutée au printemps lorsque le directeur par intérim du FBI, McCabe, suggérait au congrès d’éviter les produits de l’éditeur. La suspicion s’est étendue ensuite à une proposition de parlementaire étudiant la possibilité de bannir la compagnie du Pentagone. Enfin, la séquence s’est terminée mercredi avec la visite du FBI auprès d’une douzaine des employés de la firme.
Eugene Kaspersky s’est exprimé rapidement après cette intervention du bureau : il a d’abord confirmé les visites tout en précisant qu’il ignorait leur motif. Toutefois, le CEO s’est montré exaspéré par les revirements du bureau fédéral : « Malheureusement, désormais, le lien avec le FBI est complètement ruiné a observé le patron russe, ajoutant pour expliquer la situation : Cela veut dire que si de graves crimes se produisent et qu’ils nécessitent que les forces de l’ordre russes coopèrent avec le FBI, ce n’est tristement plus possible. » Kaspersky, qui a par le passé travaillé avec les uns et les autres, regrette ce contexte diplomatique.
Le côté lumineux de la force
« Je comprends très bien pourquoi nous avons l’air étranges, analyse le vieil ingénieur. Parce que pour la Russie, c’est très inhabituel d’avoir un entrepreneur russe qui réussit à travers le monde… Mais c’est vrai. » Le Russe a par ailleurs tenu à rappeler que sa société n’édite que des logiciels de défense selon ses dires.
Néanmoins, le doute qui s’est immiscé du côté de Washington quant aux liens du chef avec les services secrets ne semble pas près de se dissiper. Même si la firme dévoile des parties de son code, il apparaît que c’est davantage les clients et les employés de la société qui inquiètent les Américains que les produits.
À l’instar de ses concurrents, Kaspersky emploie en effet de nombreuses recrues issues du monde de l’espionnage — avec leurs réseaux passés. Mais sur ces employés suspects, le patron de la firme balaye : « Le plus probable étant que nous avons des gars dans nos départements commerciaux qui sont là pour leurs relations avec les secteurs publics. » Enfin, Eugene Kasperspky, visiblement piqué par les doutes américains a dessiné son portrait de chevalier blanc de la tech, éditeur de solutions défensives et « jamais » offensives insiste-t-il.
« Nous restons du côté lumineux, et jamais, jamais, nous n’allons vers l’obscurité » conclut le boss qui sait déjà qu’il ne dissipera jamais tout à fait les doutes qui suivent son imposante silhouette de grand de la tech.
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