Il y a deux ans, Numerama a produit une liste non exhaustive des délits qui sont moins sévèrement condamnés ou dont les sanctions sont identiques à celles prévues pour l'échange illicite d'œuvres culturelles sur Internet. Le résultat est édifiant : la durée maximale d'emprisonnement pour un homicide involontaire ou un abus de faiblesse est identique à celle prévue par le délit de contrefaçon.
En l'état actuel du droit, le fait de partager des œuvres sur la toile sans autorisation des ayants droit est en effet puni d'une peine maximale de trois ans de prison et 300 000 euros d'amende (article L335-2 du code de la propriété intellectuelle). Les peines grimpent à cinq ans d'emprisonnement et 500 000 euros d'amende lorsque les faits ont été commis en bande organisée.
Bien sûr, il s'agit ici des sanctions maximales. Lors d'un procès, le tribunal a la possibilité de fixer une amende bien plus faible au regard des faits et de la situation personnelle de celui qui est accusé d'avoir enfreint le droit d'auteur. Dans bon nombre d'affaires impliquant un particulier, l'affaire se termine avec une amende de quelques milliers ou dizaines de milliers d'euros et une peine de prison avec sursis.
Cela étant, la situation actuelle en dit long sur l'échelle des sanctions en vigueur dans le code pénal. Un constat partagé par la députée EELV Isabelle Attard, qui faisait remarquer au ministère de la culture que "la lourdeur de ces peines est pour le moins difficile à comprendre", avant d'ajouter que les sanctions prévues pour la contrefaçon "sont visiblement disproportionnées".
Face à ce constat, que compte faire le ministère de la culture – donc le gouvernement – "pour diminuer les sanctions encourues en cas de délit de contrefaçon", dans la mesure où les plafonds fixés par la loi ne sont jamais atteints ni même approchés par les condamnations prononcées en France ? Visiblement, pas grand chose. Dans sa réponse, la rue de Valois laisse entendre le statu quo.
Les services d'Aurélie Filippetti soulignent toutefois un changement, à savoir la suppression de la peine de suspension de l'accès à Internet, mise en place dans le cadre de la riposte graduée. "Cette mesure est essentielle, à la fois parce qu'elle met fin à une sanction totalement inadaptée", écrivent-ils, "au regard du caractère massif des pratiques en cause".
Concernant le reste de la riposte graduée, le ministère "estime nécessaire de préserver les acquis positifs de la réponse graduée, qui permet, d'une part, d'éviter l'application du droit commun de la contrefaçon, inadapté aux pratiques en cause, et, d'autre part, de privilégier une logique pédagogique fondée sur une succession d'avertissements, préalables à toute sanction".
Et d'ajouter que "le dispositif de réponse graduée gagnerait ainsi à être allégé, de manière à le rendre plus acceptable, sans nuire à son efficacité, qui tient davantage à l'effet pédagogique des avertissements préalables qu'à la menace d'une sanction sévère".
Ce qui n'est pas tout à fait exact : la riposte graduée complète l'action pénale, elle ne la remplace pas. Les ayants droit exploitent ce dispositif parce qu'il est plus simple de passer par la Haute Autorité que de s'engager immédiatement dans une action judiciaire ; mais rien n'empêche l'ayant droit s'estimant lésé d'engager une procédure devant un tribunal.
Maintenant que la riposte graduée a été modifiée, le gouvernement va-t-il travailler à diminuer les sanctions encourues en cas de délit de contrefaçon lorsqu'il implique un particulier ? Rien n'est moins sûr : en effet, les services d'Aurélie Filippetti ne répondent pas à la question d'Isabelle Attard, préférant rappeler la nouvelle philosophie de l'exécutif visant à orienter la lutte anti-piratage au niveau des sites.
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