Laisseriez-vous vos données personnelles à Facebook si le réseau social américain n’était pas dans une position de domination totale sur le marché des sites communautaires ?
C’est la question que pose l’Office fédéral de lutte contre les cartels, l’équivalent de l’autorité de la concurrence française, en dressant au mois de mars une corrélation entre la position occupée par le géant du net et sa capacité à capter les données privées de ses utilisateurs.
Ouverte au printemps, l’enquête des gendarmes de la concurrence se poursuit outre-Rhin et fait écho à des problématiques politiques et économiques au niveau européen, alors que Bruxelles hausse le ton sur les questions anticoncurrentielles impliquant les géants du web.
Lier lutte anti-trust et question de confidentialité
Pour les Allemands, la puissance économique de Facebook dépend à l’évidence de sa mainmise dans le domaine de la publicité, un secteur d’activité qui a rapporté au site de Mark Zuckerberg pas moins de 27 milliards de dollars en 2016. Or si l’entreprise est parvenue à devenir aussi incontournable sur le marché de la publicité, ce serait surtout grâce aux données fournies par les utilisateurs, estiment les régulateurs.
Car celles-ci, outre leur nombre, sont également très variées. Ces informations vont des affinités entre les individus inscrits sur la plateforme aux pages visitées, tout cela fournissant à la firme de Menlo Park une matière première extraordinaire pour cibler les consommateurs et obtenir d’excellents résultats auprès des annonceurs. La mécanique est bien connue et a fait du réseau une increvable force économique.
Sauf qu’en Allemagne, ce modèle, de par l’ampleur qu’il a pris, ne satisfait pas. Le juriste Frederik Wiemer, dont la spécialité est le droit de la concurrence, considère qu’il existe un lien mécanique entre la position monopolistique de Facebook et sa puissance économique : l’un et l’autre s’auto-entretiendraient, sous la forme d’un cercle vertueux pour la firme mais vicieux pour l’utilisateur.
Il explique : « Celui qui refuse l’utilisation de ses données par Facebook est automatiquement exclu du réseau social. » Or, selon le juriste, « la peur de l’isolement social est exploitée par le site pour parvenir à accéder à l’ensemble des activités sur le web de ses utilisateurs ».
« La question centrale est d’assurer la libre concurrence dans le monde numérique de demain »
Toutefois, cette agitation allemande laisse sceptiques d’autres observateurs européens. Après le cas Apple en Irlande, et l’affaire Google Shopping, les autorités du Vieux Continent semblent prêtes à mener la guerre aux monopoles du web, mais les critiques germaniques dépassent les prérogatives des politiques anti-trusts.
« C’est un dossier plus ‘radical’ que celui de la commission, observe l’avocat bruxellois Alec Burnside dans Bloomberg: [le cas allemand] vient affirmer que les problèmes de confidentialité peuvent devenir des problèmes d’abus de position dominante ». Or pour le moment, cette approche transversale des questions économiques et sociales est d’abord le fait de l’Office fédéral de lutte contre les cartels.
Ce dernier espère voir les mentalités et les lois s’adapter, au moins à l’échelle allemande. Andreas Mundt, le président de l’Office, a par ailleurs annoncé vouloir présenter avant la fin de l’année ses résultats d’investigation dans cette affaire.
Entre-temps, le régulateur allemand doit composer un dossier solide s’il espère pouvoir s’en prendre à Facebook sur ces questions épineuses. Pour Mundt, son angle d’attaque est au moins aussi important que le dossier Google de la Commission ; il y voit la même problématique politique : « la question centrale est d’assurer la libre concurrence dans le monde numérique de demain ». Ce qui requiert des réflexions nouvelles en matière de concurrence.
De son côté, Facebook ne souhaite pas commenter auprès du journal économique cette actualité allemande. L’entreprise assure, à son habitude et de façon tout à fait laconique, qu’elle se pliera aux lois locales.
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