Est-il possible de boucler le plan France Très Haut Débit avec deux ans d’avance sur le planning initial ? Emmanuel Macron semble y croire : lors de la Conférence nationale des territoires réunie au Sénat, le président de la République a déclaré souhaiter « encore accélérer le calendrier afin de parvenir à une couverture en haut et très haut débit d’ici à la fin de l’année 2020 » et « non plus 2022 ».
C’est en 2013, sous la présidence de François Hollande, que ce plan a été formalisé, bien que le précédent gouvernement, alors dirigé par Nicolas Sarkozy, avait déjà jeté les bases de ce vaste chantier trois ans plus tôt. Il consiste en fait à atteindre la barre des 100 % de foyers en très haut débit en 2022. Ou plus exactement consistait, car le chef de l’État actuel affiche de nouvelles ambitions.
https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/886952503178297345
En principe, le plan France Très Haut Débit doit se reposer essentiellement sur la fibre optique, cette technologie devant être privilégiée dans 80 % des situations. Les 20 % restants sont censés passer par des solutions alternatives, comme le câble coaxial et le DSL sur cuivre. Le problème, c’est que le président de la République considère qu’il est illusoire de connecter tout le pays à la fibre dans des délais aussi courts.
Comment une pensée aussi complexe que celle d’Emmanuel Macron peut-elle à la fois vouloir accélérer le calendrier du plan France Très Haut Débit, en faisant passer l’échéance de fin 2022 à fin 2020, tout en déclarant « qu’il ne faut pas mentir aux gens : on ne mettra pas [la fibre] partout jusqu’au dernier kilomètre dans le dernier hameau » ? N’y a-t-il pas une contradiction dans les termes ?
La 4G à la rescousse
Si, mais à condition que la « recette » du plan ne change pas. Or, on le sait depuis quelques semaines maintenant, Emmanuel Macron veut y ajouter un autre ingrédient : la 4G. Le chef de l’État a ainsi manifesté sa préférence pour « une solution mixte où on marie la fibre et les innovations technologiques qui permettent d’avoir la 4G à bon niveau partout ». Et depuis, l’intendance est bien obligée de suivre.
Début juillet, inquiet du la trajectoire du plan, le gouvernement a organisé une réunion avec les quatre grands opérateurs pour leur dire de mettre un coup de collier dans le très haut débit mobile : car si la couverture de la population métropolitaine commence à attendre un bon niveau, celle du territoire laisse beaucoup à désirer. En effet, les opérateurs ne se précipitent pas couvrir des régions peu peuplées.
Du très haut débit… et du haut débit ?
Reste une bizarrerie que l’Élysée devra préciser : en théorie, le plan France Très Haut Débit ne concerne… que le très haut débit, c’est-à-dire des liaisons descendantes atteignant au minimum 30 Mbit/s (par le passé, le seuil était fixé à 50 Mbit/s mais il a été rabaissé pour procéder à un alignement au niveau européen). Or, dans son propos, Emmanuel Macron parle de très haut débit… mais aussi de haut débit.
Pourtant, ce n’est pas du tout le même degré d’exigence : si l’on tolère un nivellement du niveau des objectifs hexagonaux en matière de lutte contre la fracture numérique, et donc que l’on peut se permettre de boucler le plan avec des connexions pouvant se contenter d’un débit de 20, 10 ou même 5 Mbit/s, il est clair que la révision du planning suggéré par Emmanuel Macron est tout à fait atteignable.
Nouvelles contraintes
Quant aux raisons qui poussent Emmanuel Macron à changer l’échéance du plan, le chef de l’Etat explique : « si je vous dis fin 2020, je sais que j’aurai encore l’année 2021 pour pouvoir rattraper les retards. […] », au lieu de laisser le dossier être repris à son éventuel successeur — s’il ne se représente pas ou n’est pas réélu — et donc lui donner l’occasion d’en retirer les bénéfices politiques.
«Les déploiements ne sont pas assez rapides, les opérateurs, aujourd’hui, rechignent encore dans les endroits qui sont les moins rentables. Nous devons donc, d’ici à la fin de l’année, prendre des mesures nouvelles d’incitation et de contrainte à l’égard des opérateurs de téléphonie », juge-t-il. Comme mettre éventuellement la question des licences 5G dans la balance ?
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