Quelle doit être la portée territoriale du droit au déréférencement ? Considérant qu’il n’est pas en situation de pouvoir répondre à cette question, le Conseil d’État vient de renvoyer mercredi 19 juillet le dossier devant la Cour de justice de l’Union européenne afin d’obtenir des éclaircissements juridiques sur la manière d’interpréter — et donc d’appliquer — le droit de l’Union européenne.
La plus haute juridiction de l’ordre administratif français s’interroge en particulier sur l’étendue de l’application d’une demande de déréférencement, car le « droit à l’oubli » qui a été consacré à la suite du très remarqué arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne « pose une difficulté sérieuse d’interprétation ». Faut-il, en résumé, le limiter à un pays, celui de la demande, ou l’appliquer partout ?
Ainsi, doit-elle être « opérée sur l’ensemble des extensions nationales du moteur de recherche, de telle sorte que les liens litigieux n’apparaissent plus quel que soit le lieu à partir duquel cette recherche est lancée, y compris hors du champ d’application territorial du droit de l’Union européenne » ? Et si cette question trouve une réponse négative, le Conseil d’État a besoin d’un deuxième éclairage :
Faut-il appliquer le déréférencement seulement sur les résultats affichés à partir d’une recherche sur le nom de domaine correspondant à l’État où la demande est réputée avoir été effectuée, par exemple en France, ou doit-il l’être également sur la totalité des extensions nationales des États membres de l’Union européenne du moteur de recherche visé par la requête ?
Et si la Cour de justice de l’Union européenne répond encore par la négative, alors le Conseil d’État veut savoir « si l’exploitant du moteur de recherche doit, en outre, supprimer par la technique du « géo-blocage » les liens litigieux affichés à la suite d’une recherche effectuée depuis une adresse IP réputée située dans l’État où la demande a été faite ou dans tout État membre de l’Union européenne ».
Pour respecter la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, Google propose depuis 2014 aux internautes européens un formulaire qui leur permet de faire jouer le droit au déréférencement — concrètement, ce droit aboutit à masquer dans les résultats d’un moteur de recherche les liens qui les concernent, lorsque la requête porte exclusivement sur leur nom.
Google en première ligne
Vu le poids que pèse Google sur le Vieux Continent dans le marché de la recherche en ligne, c’est surtout lui, et de très loin, qui est le premier concerné par les effets de l’arrêt de la Cour de justice (à son grand regret). Il faut toutefois savoir que toutes les demandes ne sont pas approuvées par Google : la société américaine examine au cas par cas les requêtes en fonction de divers critères.
Les demandes peuvent être en effet rejetées si elles ne respectent pas les formalités requises (prouver son identité, par exemple) ou si elles sont jugées incompatibles avec l’intérêt du public à connaître l’information référencée. Si une demande est approuvée, le lien est retiré et une mention apparaît en bas d’une page de résultats fournie par Google à chaque fois qu’un usager effectue une recherche sur un individu.
Certains résultats peuvent avoir été supprimés conformément à la loi européenne sur la protection des données
Rappelons qu’au printemps 2016, Google s’est vu infliger une amende de 100 000 euros (ce qui est insignifiant pour une telle entreprise) par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) au motif que la firme de Mountain View n’a pas correctement appliqué le droit au déréférencement reconnu par la Cour de justice de l’Union européenne.
Pour la Cnil, il faut que ce droit s’appliquer au niveau mondial : donc en plus d’un nettoyage dans la version française du moteur de recherche (Google.fr), il faut que le groupe fasse de même pour toutes les déclinaisons nationales de son service (Google.de pour l’Allemagne, Google.co.jp pour le Japon, etc). L’entreprise américaine conteste évidemment la position de la Cnil et a fait appel de la décision devant le Conseil d’État.
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