La Commission Nationale de Contrôle des Interceptions de Sécurité (CNCIS), qui n'est composée que de trois membres — dont un oublie de dire qu'il en fait partie lorsqu'il félicite le sérieux de cette "institution", sera au coeur des prochaines collectes de données en temps réel sur les réseaux des opérateurs télécoms. Promulguée sans contrôle de constitutionnalité, la loi prévoit en effet que la CNCIS devra intervenir a posteriori, pour contrôler la légalité des interceptions réalisées par les agents de l'Etat, jusqu'à 9 jours après le début de la collecte. Les décisions étant secrètes, personne ne peut vérifier que les interprétations de légalité par la CNCIS sont exactes.
En attendant, la Commission a rendu le 20 décembre son rapport d'activité 2012, dont L'Expansion a obtenu copie avant sa publication. Il montre que près de 200.000 demandes d'interceptions de données de connexion ont été traitées. Il s'agit d'obtenir auprès des opérateurs télécoms le détail des appels téléphoniques reçus ou passés par un individu, les adresses IP utilisées pour se connecter, ou encore les logs de connexion. Légalement, les FAI doivent conserver ces données pendant un an, et l'avocat général de la CJUE a rappelé très récemment la nécessité de limiter strictement la conservation et la communicabilité de telles données.
Outre le volume, impressionnant, c'est la justification des demandes qui est le plus intéressant. en 2012, "197.057 demandes ont été formulées", note L'Expansion. Sur cet ensemble,"29.322 requêtes relèvent de la lutte contre le terrorisme". C'est-à-dire seulement 14 % des demandes. Dit autrement, 86 % des demandes de données de connexion relèvent d'autres domaines que de la lutte contre le terrorisme, toujours avancée pour justifier médiatiquement de tels processus extra-judiciaires.
La proportion de demandes liées au terrorisme chute même de plus d'un tiers en deux ans ! Elle a reculé de 14 % par rapport à 2011, et de 36 % par rapport à 2010. Le nombre total des demandes de données de connexion, lui, a augmenté de 10% sur un an. Pour qui ? Pour quoi ? On ne sait pas.
6 145 "interceptions de sécurité" demandées
Outre les demandes de données de connexions, le rapport indique que 6 145 "interceptions de sécurité" ont été demandées à Matignon en 2012. Il s'agit des écoutes téléphoniques et informatiques. Sur cet ensemble, 50 demandes ont été refusées par la CNCIS. C'est dans ce cadre que s'inscriront les collectes de données en temps réel prévues par la loi de programmation militaire. Là encore, seules 23 % des demandes concernent la prévention du terrorisme. La majorité des cas visent la lutte contre la criminalité et la délinquance, un domaine très large.
Selon l'article L241-2 du code de la sécurité intérieure, les interceptions de sécurité peuvent servir à la recherche "des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous".
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