Reculée, étendue et peu peuplée, la région du Xianjiang n’en reste pas moins l’une des plus surveillée de Chine.
Il ne faut pas se fier aux steppes qui s’étendent à perte de vue par delà Bayin’gholin, ce territoire qui longe la Mongolie, unissant l’Empire du Milieu et le Pays du Ciel Bleu sur une terre riche qui mélange les Asie : c’est un berceau de conflits depuis des décennies.
Le régime chinois qui contrôle ce territoire autonome n’a que rarement cédé aux Ouïghours, des sunnites turcophones vivant dans une précarité entretenue par Pékin. Les velléités autonomistes des musulmans n’ont fait qu’accroître la tension entre cette préfecture et la capitale chinoise. Surnommées le far west chinois, les steppes du Xianjiang sont désormais le théâtre de l’oppression numérique chinoise sur les locaux.
Un spyware chinois pour les musulmans
Comme nous l’évoquions déjà en février 2017, les accusations de proximité avec les sunnites frontaliers permettent aux forces chinoises de justifier une surveillance de masse de la population ouïghoure. Celle-ci passe d’abord par un pistage des voitures : un véhicule ne peut s’aventurer dans la région sans sa puce RFID et son traqueur GPS.
Aujourd’hui, selon Radio Free Asia (radio publique américaine), les smartphones des locaux seraient dans le viseur de Pékin. La police chinoise d’Ürümqi aurait en effet créé son propre spyware maison pour pister et surveiller les populations musulmanes du Xianjiang.
Toujours selon la RFA, les autorités chinoises auraient d’abord diffusé un message invitant à installer Jingwang, l’application mouchard, avant de promettre le contrôle des smartphones par la police. Cette dernière est en mesure d’interpeller un musulman pour vérifier la bonne installation du mouchard, toujours selon la radio américaine.
L’application « détecte automatiquement les terroristes et les contenus religieux illégaux »
Le mouchard serait en mesure des surveiller et d’enregistrer les activités de ses « utilisateurs forcés » sur WeChat et Weiba, ainsi que le numéro IMEI, les données téléphoniques (historique et fadettes), les données échangés en WiFi et, bien sûr, l’envoi de l’ensemble de ces données vers un serveur central chinois. Selon les autorités, Jingwang serait une sorte de super-application de sécurité intérieure, le pouvoir allant jusqu’à expliquer que l’application « détecte automatiquement les terroristes et les contenus religieux illégaux ».
Mashable rapporte que le mouchard exige de ses utilisateurs de supprimer le contenu qui, d’une manière ou d’une autre, embarrasse les forces de l’ordre.
Oppression dystopique
Malgré l’ampleur et la démesure de ce dispositif, qui confine à la dystopie, les autorités seraient déjà en train de pratiquer les fameuses vérifications sur les smartphones des musulmans. C’est Bleeping Computer qui a pu découvrir que, depuis ce mois de juillet, la police a installé des checkpoints dédiés aux téléphones des musulmans. Notons que de nombreuses sources apparaissant sur les réseaux sociaux soulignent la mise en détention de plusieurs musulmans réfractaires à l’installation du mouchard.
Véritable laboratoire d’un régime ultra-autoritaire numérisé, les contrées du Xinjiang deviennent sous l’impulsion de Pékin un cauchemar informatique. Pionnière en matière d’oppression d’une minorité par le numérique, la Chine invente là un système politique de terreur décentralisée, numérisée et ininterrompue.
La caution du terrorisme — la région compterait des proches de l’organisation État islamique — permet au régime de Xi Jinping de développer un attirail de surveillance et d’oppression systématique et étatique qui s’étend de la vie quotidienne et ses angoisses pour les ouïghours — comme les rafles reportées il y a déjà 8 ans et le tournant de la délation avec l’apparition du terrorisme sunnite — jusqu’au cyber-monde, aussi menaçant désormais que les steppes surveillées par des forces de l’ordre violentes et arbitraires.
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