Mise à jour : le principal article du projet de loi a été adopté lundi soir par le Sénat. Contre l'avis du gouvernement, il a été décidé que le juge devait intervenir au plus tard dans les 8 jours suivant le début de la géolocalisation autorisée par le Procureur de la République, et non 15 jours comme le prévoyait le texte initial.
Par ailleurs, si le projet de loi avait été modifié pour limiter la géolocalisation aux seuls délits punis de plus de 5 ans, le Gouvernement a obtenu qu'elle puisse être mise en place à l'encontre des personnes proférant des menaces de mort (pour éviter qu'elles passent à exécution), ou pour retrouver une personne évadée. Concrètement, la géolocalisation pourra être mise en oeuvre pour les délits d'atteinte aux personnes s'ils sont punis d'au mois 3 ans de prison, ou de plus de 5 ans pour les atteintes aux biens.
Article du 9 janvier 2014 –
Le 22 octobre dernier, la chambre criminelle de la cour de cassation a rendu deux arrêts aux conséquences très importantes pour le travail des policiers, puisqu'elle leur interdit de géolocaliser les smartphones des suspects. La cour ne condamnait pas le principe-même d'une traque en temps réel de la position des individus surveillés par la police, mais l'absence d'encadrement clair par la loi. S'appuyant sur la Convention européenne des droits de l'Homme, les magistrats prévenaient l'Etat que la loi "ne peut organiser une ingérence dans la vie privée des personnes qu’à la condition d’en placer la surveillance et l’exécution sous le contrôle de l’autorité judiciaire, ce que n’est pas le Parquet, qui n’est pas indépendant".
Pourtant, ce n'est pas ce que prévoit le projet de loi de géolocalisation déposé au Sénat le 23 décembre dernier, qui sera examiné le 20 janvier prochain. Même s'il cadre bien plus strictement la pratique de géolocalisation policière (limitée aux enquêtes sur les infractions pénales condamnées de 3 ans d'emprisonnement ou plus), le texte confie au procureur de la République, c'est-à-dire au parquet, le soin d'autoriser les opérations de géolocalisation pour une durée de 15 jours. Ce n'est qu'à l'issue de ce délai qu'il devra faire appel au juge des libertés et de la détention.
De même, le projet de loi permet au procureur d'autoriser la mise en place de mouchards "dans des lieux privés destinés ou utilisés à l'entrepôt de véhicules, fonds, valeurs, marchandises ou matériel ou dans un véhicule situé sur la voie publique ou dans de tels lieux". Ce n'est que si un lieu d'habitation est visité que l'autorisation du juge des libertés est requise.
Inquiète de la portée du texte, l'ASIC (Dailymotion, Google, Facebook, Microsoft, Skype, Yahoo, eBay…) fait par ailleurs remarquer que "le projet de loi tend à permettre une géolocalisation non pas de tout véhicule et de tout numéro de téléphone mais bien de tout “objet”", ce qu'elle voit comme une volonté de pouvoir tracer également les objets connectés qui vont se multiplier ces prochaines années.
En effet, le projet de loi autorise la géolocalisation "d'un véhicule ou de tout autre objet sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur", ce qui ouvre le champ de tous les possibles. "Ainsi, peut on imaginer demain que les autorités cherchent à localiser un individu via sa “montre connectée”, de sa “brosse à dents connectée” ou un simple “bracelet connecté” calculant le nombre de kilomètres réalisé en une journée ?", se demande l'ASIC.
A la limite de la paranoïa, l'association se demande même si la rédaction imprécise des conditions techniques de mise en oeuvre de la géolocalisation ne pourrait pas "imposer la création d’une “back door” ou l’intrusion d’un logiciel espion dans tout objet connecté avec pour finalité de procéder à son traçage à distance".
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