La ministre britannique de l’intérieur, Amber Rudd, s’attendait-elle à provoquer une telle polémique en publiant une tribune sur le chiffrement dans le Daily Telegraph ce 1er août ?
Le web s’est en effet ému de ses propos sur les supposés « véritables » utilisateurs de WhatsApp, la messagerie sécurisée au milliard d’utilisateurs quotidiens, dont les conversations sont uniquement lisibles par leurs participants grâce au chiffrement de bout en bout.
« Les gens normaux préfèrent souvent la facilité d’utilisation et une multitude de fonctionnalités à une sécurité parfaite et inviolable. […] Qui utilise WhatsApp parce qu’il est chiffré de bout en bout plutôt que parce qu’il s’agit d’un service pensé pour les utilisateurs et qui permet de rester en contact avec ses amis et sa famille à moindre frais ? » affirme ainsi Amber Rudd dans ce texte. Sa publication coïncide stratégiquement avec sa visite au cœur de la Silicon Valley pour appeler les entreprises de la tech (dont Google) à renforcer leurs efforts contre le contenu terroriste en ligne.
Une affirmation « dangereuse et trompeuse »
Les propos d’Amber Rudd ont été pointés du doigt par des défenseurs des libertés numériques comme Jim Killock, responsable du collectif britannique Open Rights Group, cité par Business Insider : « L’idée que les gens normaux se moquent de la sécurité de leurs communications est dangereuse et trompeuse. Certaines personnes recherchent la confidentialité à l’égard d’entreprises, de partenaires ou d’employeurs injurieux. D’autres peuvent s’inquiéter pour des informations confidentielles ou simplement travailler dans des pays qui violent les droits de l’homme. » Il conclut : « La ministre de l’intérieur n’a pas à dire au public qu’il n’a pas besoin du chiffrement de bout en bout. »
Dans sa tribune, Amber Rudd précise en revanche deux éléments importants sur les objectifs du gouvernement de Theresa May : « Je veux être très claire : [nous soutenons] un chiffrement fort et nous n’avons nullement l’intention d’interdire le chiffrement de bout en bout. […] Il ne s’agit pas de demander aux entreprises de mettre fin au chiffrement ou d’instaurer des back doors. »
Elle déplore toutefois « l’impossibilité, à l’heure actuelle, d’accéder à des données chiffrées dans certains cas spécifiques et ciblés — notamment avec un mandat signé d’un secrétaire d’État et d’un juge — [qui] limite considérablement les capacités de nos agences à prévenir des attentats terroristes et à faire arrêter des criminels. »
Une position contraire à celle défendue par Facebook
Le plaidoyer d’Amber Rudd est diamétralement opposé à la position défendue par Sheryl Sandberg, numéro deux de Facebook, qui défend le chiffrement de bout en bout de l’appli (rachetée en 2014 par le géant) et l’importance des métadonnées : « Le message en lui-même est chiffré mais pas ses métadonnées [des infos comme l’heure de l’envoi, etc]. Donc, quand vous m’envoyez un message, on ne peut pas savoir ce qu’il dit mais on sait que vous m’avez contacté. Si les gens délaissent ces services chiffrés pour se tourner vers des services chiffrés dans des pays qui ne partagent pas les métadonnées, le gouvernement dispose en réalité de moins d’informations et pas [d’informations supplémentaires]. »
Au lendemain de l’attentat commis près du Parlement britannique par le terroriste Khalid Masood, qui a tué 5 personnes le 22 mars 2017, Amber Rudd faisait preuve de moins de retenue en affirmant que l’utilisation de moyens de communication chiffrés par des terroristes était « complètement inacceptable ».
Au nom de la lutte anti-terroriste, les responsables politiques remettent régulièrement en cause le chiffrement en appelant à permettre l’accès au contenu chiffré sans pour autant instaurer des portes dérobées… ce qui pose la question de leur compréhension réelle du sujet, notamment en France, avec les propos tenus par Emmanuel Macron au mois de juin.
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