Le mois dernier, des attaques à l’acide perpétrées dans le nord-est de Londres ont violemment touché deux jeunes gens à vélo qui livraient des repas Deliveroo pour l’un, UberEats pour l’autre. Trois autres personnes ont également été blessées grièvement. La barbarie de ces attaques a traumatisé la capitale anglo-saxonne, désarçonnée par l’extrême violence de tels méfaits pour des victimes choisies arbitrairement par deux adolescents à mobylette.
L’insoutenable violence se manifestait en pleine soirée, alors que les rues étaient constellées de ces jeunes chauffeurs aux survêtements bigarrés, avalant à vélo des kilomètres de tarmac, pour des commandes qui doivent arriver chaudes.
Livreur, cible privilégiée des malfrats
Lorsque les secours arrivent sur la scène, des collègues se pressent autour des deux victimes — ou plutôt des camarades de galère, car aucun n’est employé — qui tentent de venir en aide aux défigurés. Au Guardian, certains confient déjà l’insécurité grandissante dans laquelle ils sont plongés durant leurs courses : attaques à l’arme blanche répétées, harcèlements et rackets dans les quartiers du nord de Londres.
Un chauffeur explique qu’une procédure tacite existe entre les livreurs de cette zone qualifiée de « dangereuse » : lorsqu’un se fait attaquer, « quelqu’un va envoyer un message WhatsApp et demander de l’aide, ensuite tout le monde va accourir… Au moins pour effrayer les agresseurs ou aider à retrouver le vélo », raconte un habitué de ces scènes de violence.
Avant l’acide, les agresseurs se contentaient d’être à plusieurs pour se ruer sur le livreur, l’empoigner violemment afin de le faire tomber de sa selle. Ensuite, menacé par un couteau, il doit livrer sa monture et le peu d’équipement qui l’accompagne au quotidien : smartphone, vélo — mob pour les moins pauvres –, quelques billets.
La terreur persiste
Un mois après les attaques à l’acide, la stupeur ne s’est pas dissipée. L’escalade de la violence pratiquée par ces agresseurs d’un soir traumatise durablement des livreurs déjà très exposés au danger des mégalopoles.
Le job n’est plus seulement mal payé et épuisant : il est dangereux
Selon la BBC, aujourd’hui, ils seraient plus de 70 à Londres à refuser toutes les courses qui s’approcheraient des quartiers sensibles. En réponse, Deliveroo cherche à développer des solutions de sécurité pour ses non-employés. Ce n’est pas vraiment par charité, mais désormais, le job n’est plus seulement mal payé et épuisant : il est dangereux. Ajoutons à ce contexte que les vélos et téléphones volés appartiennent au travailleur et non à l’entreprise, et qu’enfin, Deliveroo n’assure pas de congé maladie aux livreurs blessés lors des altercations.
Et si la startup se sent protégée en matière de responsabilité face à ces autoentrepreneurs qu’elle exploite, elle ne peut toutefois se dérober lorsqu’elle n’est plus en mesure de livrer ses clients dans certaines zones. De fait, la société imagine un système de sécurité pour ses chauffeurs : celui-ci comprend une alarme participative sur les adresses à risque. Les livreurs devraient ainsi pouvoir communiquer les dangers entre pairs et aux autorités. De plus, la startup expérimente des caméras pour suivre ses livreurs et collecter des preuves au besoin pour la police.
Les chauffeurs équipés de vidéosurveillance sillonneront bientôt Hackney, dans l’est, quartier également connu pour être une zone sensible où les agressions de livreurs sont courantes. Enfin, Deliveroo a annoncé embaucher 50 employés pour assurer la sécurité de ses non-employés.
Dan Warne, directeur du management pour la firme, s’est fendu d’un communiqué pour expliquer, platement : « La sécurité de nos chauffeurs est la chose la plus importante pour nous, et c’est notre responsabilité, en tant qu’entreprise, d’améliorer nos dispositifs pour qu’ils se sentent en sécurité. »
Jabed Hussein, victime d’une attaque à l’acide en juillet, préfère croire que livrer des repas « ne devrait pas être un job dans lequel ta vie est en jeu. […] Maintenant, j’ai l’impression de travailler dans une sorte de jungle, n’importe quoi pourrait me dévorer, je ne suis plus en sécurité. » Il explique que désormais, les livreurs arrêtent à 22 heures les livraisons dans certaines zones. La nuit londonienne bascule aux douze coups dans l’imprévisible : « Après, c’est trop dangereux, avant, on pouvait bosser jusqu’à une heure… », se souvient Hussein.
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