Vendredi dernier, nous évoquions le communiqué de presse de Deliveroo dans lequel la société voulait expliquer aux médias ce qu’ils semblaient manquer dans le conflit qui oppose l’Anglais aux coursiers autonomes, remontés contre les nouveaux contrats que la startup tente d’imposer. Nous confrontions alors l’expression publique de l’entreprise avec les revendications des coursiers, ce qui laissait apparaître un gouffre entre l’assurance mâtinée d’angélisme marketing de la startup et la réalité comptable des cyclistes.
« Deliveroo manie l’enfumage »
Piqués par l’arrogance des Britanniques, les coursiers syndiqués ont finalement rédigé une réponse à ce communiqué dans lequel ils reprennent les neuf points abordés par Deliveroo. Ils écrivent en guise d’introduction : « Deliveroo manie, avec un talent manifeste, l’art du double discours et de l’enfumage. Nous reprenons ci-après leur communiqué, en expliquant point par point pourquoi Deliveroo méprise ses coursiers, et prend les médias pour des imbéciles. ».
Nous nous sommes procuré cette réponse (PDF). Il apparaît qu’une part de la frustration des coursiers vient de la communication lissée et bonhomme des Anglais : ils voient dans cette maîtrise habile de la parole publique, un outil pour cacher des réalités sociales. C’est une question qui touche de manière quasi systématique les nouvelles entreprises de l’économie collaborative qui ont tendance à mieux maîtriser leur image que les droits de leurs collaborateurs.
Les coursiers écrivent : « Deliveroo parvient, ou plutôt parvenait jusqu’à aujourd’hui, à se présenter au grand public comme une entreprise innovante, jeune, « cool », et avec qui les coursiers et les restaurateurs ont toujours un plaisir immense à travailler. La réalité est tout autre, et cette réalité est, depuis une quinzaine de jours, en train de s’imposer aux yeux des consommateurs et des médias. »
Et ils touchent juste : à l’exception de quelques appels à l’aide et d’une vague idée que ce capitalisme nouveau n’a rien de plus plaisant que celui d’hier, la conflictualité sociale est un élément absent de ces nouvelles entreprises — une réalité dissimulée qui ne ferait pas bon ménage avec la modernité défendue.
La rue est notre usine
On comprend dès lors qu’il y ait, derrière ce conflit s’attachant à une seule revendication — le paiement à l’heure plutôt qu’à la course — l’essor d’un discours plus large et cherchant à percuter le plus grand nombre sur les conditions de travail de ces coursiers que l’on salue à peine lorsqu’ils nous livrent. Attachés à l’idée de démonter la communication de la marque, les coursiers soulignent des sondages trompeurs sur leur adhésion au modèle économique, mais également les allégations fausses de la firme sur le port de la tenue officielle.
En effet, la réponse des coursiers est augmentée d’annexes dans lesquelles on va retrouver un contrat Deliveroo mentionnant le port de la tenue ainsi qu’une sanction émise par la firme pour non-port de la tenue officielle — tenue qui, rappelons-le, est à la charge du coursier : 150 € de caution en échange de la tenue et du sac. Selon Deliveroo, elle est facultative.
Les forçats du bitume relèvent la tête
L’ensemble des revendications, appuyé par un agacement manifeste à l’encontre du zèle des Britanniques, a ainsi été porté durant une manifestation parisienne ce vendredi 11 août.
« La rue est notre usine, les forçats du bitume relèvent la tête » pouvait-on lire sur les pancartes du Clap, jeune pousse syndicale rejointe dans cette manifestation par la CGT et Sud. Ils n’étaient pourtant qu’une cinquantaine, la plupart à montures. Les manifestants ont un peu erré sur la grande place de la République, avant de bloquer quelques restaurants. Le Petit Cambodge notamment, tristement célèbre. Celui-ci acceptera dans la soirée de couper son lien à Deliveroo, en soutien aux cyclistes. Le restau d’en face, le Maria Luisa, fera la même chose.
Pour le Collectif des livreurs autonomes de Paris (Clap), c’est un des procédés obligatoires d’une manifestation de coursier : sans l’aide des restaurants, ils se savent remplaçables chez Deliveroo et fragilisés par leur statut d’autoentrepreneur.
Mais leur syndicalisme ne vient que de commencer : ils espèrent reprendre de plus belle le 28 août, lors que l’entreprise mettra en vigueur ses nouveaux contrats. D’ici là, les jeunes pédalent vite, toujours plus vite, pour réunir le fameux équivalent du SMIC promis par Deliveroo. En facture.
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