Les réseaux sociaux, le travail des confrères comme NextInpact, et du bon sens semblent avoir aidé la très louche entreprise Fireworld à retirer sa page commerciale présentant son logiciel espion pour « savoir si votre fils est gay ».
Si vous aviez raté la douloureuse lecture de cette publicité pour détecter les invertis surfant sur le PC familial, il reste un cache Google pour découvrir le déroutant argumentaire de Fireworld.
Sans reprendre l’ensemble des problèmes posés par l’homophobie manifeste de l’éditeur — ils ont déjà été expliqués par l’association militante LGBTQI+ L’Amicale des jeunes du Refuge — on notera quand même certains motifs qui confinent à la discrimination la plus archaïque comme les « éléments qui accentueraient la probabilité que votre fils soit gay » :
Mais au-delà du discours aux relents homophobes et caricaturaux, le site vend un produit qui laisse encore plus dubitatif : un keylogger tout-en-un pour espionner les jeunes garçons timides.
Un logiciel espion dans la famille
Car la société qui estime que si votre fils « est homosexuel, vous ne serez peut-être jamais grands-parents, et vous n’aurez pas le bonheur de connaître vos petits-fil » met un point d’orgue à assurer à ses clients qu’ils sauront si la chair de leur chair ne penserait pas un peu trop aux garçons. Et pour cela, Fireworld recourt à un spyware. Un logiciel espion que les parents sont invités à installer sur l’ordinateur de leur progéniture.
Il s’agit d’un programme qui se loge discrètement dans le système de l’ordinateur et qui collectera ensuite les différentes données auxquelles il a accès. A priori, cela peut être même très dangereux puisque le logiciel obtiendra les mots de passe Facebook — pour espionner votre fils prétendument gay –, mais également le numéro de carte de crédit et d’autres données très sensibles puisqu’il est en mesure d’archiver toutes vos frappes sur le clavier. Et comme le souligne Marc Rees de NextInpact, le trouble autour de l’identité réelle de l’entreprise devrait dissuader tout internaute raisonnable d’installer le programme sur son ordinateur sans craindre pour sa sécurité.
Car au-delà de priver votre enfant de son droit à la vie privée, fondamental même pour le mineur, vous mettez également sa vie numérique en danger — c’est d’ailleurs plutôt complexe pour le bambin de porter plainte. En outre, s’il est vraiment homosexuel et mineur, êtes-vous certain de vouloir qu’un acteur aussi étrange que Fireworld le sache ? Probablement pas.
Ironiquement, le site de Fireworld nous invite à espionner ses enfants, mais rappelle — en bas de page — qu’il s’agit d’un acte illégal même dans le cadre familial.
Bien noté.
Mais le gaydar numérique, ça existe ?
Toutefois, Fireworld expose une problématique plus commune, mais assez floue par le biais de son horrible logiciel : l’identité sexuelle en tant que donnée personnelle dans le monde numérique.
Il s’agit en effet d’un sujet si tant est que l’on puisse le désolidariser du contexte affligeant dans lequel Fireworld l’introduit. À l’heure de Tinder, Facebook et Netflix, de nombreuses sociétés « savent » prédire notre identité sexuelle. Pour cela les data-analystes ne se fondent non pas sur la timidité et/ou l’apparence de l’utilisateur, mais bien des données qu’il va produire sur un site de rencontres ou un réseau social en interagissant, par exemple, avec des communautés LGBTQI+. C’est dès lors non pas une catégorie type utilisateur homosexuel mais bien un système de cluster dans lequel la machine va trouver des profils types proches du vôtre.
Ce fut par exemple le cas avec le ciblage ethnique sur Facebook : l’algorithme du réseau social ne possédait aucune certitude sur l’identité afro-américaine d’un utilisateur, mais déterminait, selon ses modèles, sa proximité avec les intérêts de la communauté afro. L’opacité de ces modèles peut poser question. Ainsi, il devient complexe de savoir que veut dire affinités gay ou afro dans le langage du ciblage par algorithme. Dans certains cas, la loi vient par ailleurs veiller à garder ce ciblage flou. Aux États-Unis, la réaction du public face au ciblage ethnique a fait reculer Facebook.
Dans l’hexagone, la CNIL dispose notamment d’un arsenal de sanctions pénales pour les entreprises qui s’aventureraient à garder une trace de l’identité sexuelle de ses utilisateurs, selon l’article 226-19 du Code pénal. Il existe néanmoins des cas où l’identité sexuelle de l’utilisateur, à condition qu’il y consente, peut être conservée et utilisée par un éditeur — comme pour les sites de rencontres ou plus simplement la case orientation sexuelle de Facebook.
Enfin, dans tous les cas, en France, il n’est pas permis à un éditeur d’utiliser cette donnée pour prévenir vos parents. Le Code pénal, toujours, prévoit en outre 300 000 € d’amende pour toute divulgation des données personnelles, dont l’identité sexuelle d’un utilisateur.
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