Depuis un peu plus de six mois, les relations entre les États-Unis et le Brésil se sont passablement dégradées. Cela n'a rien d'étonnant : Brasilia n'a pas franchement apprécié les articles du quotidien O Globo, basés sur les documents confidentiels dérobés par Edward Snowden, révélant l'existence d'un programme de surveillance taillé spécialement pour sa population et ses institutions.
Très mécontent de découvrir les activités de la NSA, du moins en apparence et bien que ses services secrets fassent la même chose, le Brésil s'est engagé dans une offensive diplomatique à l'ONU. Son action s'est toutefois heurtée à la réalité des relations internationales. Certes, une résolution en faveur de la vie privée sur Internet a été adoptée par une commission spéciale, avant d'être votée par l'assemblée générale. Mais son contenu est très modeste.
Un nouveau câble entre le Brésil et l'Europe
Mais le pays a d'autres cartes dans sa manche. Par exemple, la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, est favorable à la création de nouvelles routes pour les données brésiliennes, afin qu'elles ne passent plus par les États-Unis. Concrètement, il s'agit de tirer de nouveaux câbles sous-marins ne transitant plus par les USA. Il est aussi question de privilégier des solutions logicielles nationales plutôt qu'américaines.
Le Brésil sait que la NSA a la capacité de se connecter directement sur les câbles sous-marins pour capter les télécommunications (programme Upstream). En établissant de nouvelles voies pour les échanges internationaux, la future superpuissance d'Amérique du Sud espère compliquer le travail de la NSA, bien que certains pans des représailles brésiliennes inquiètent Tim Berners-Lee, qui craint une fragmentation d'Internet, mais aussi la Commission européenne.
Selon Le Monde, le Brésil et l'Union européenne sont d'accord pour l'installation d'un nouveau câble sous-marin entre eux. Le projet, dont le coût est estimé à 135 millions d'euros, partirait de Fortaleza (Brésil) pour rejoindre Lisbonne, au Portugal. Son installation doit être achevée d'ici 2015 et permettrait du même coup de remplacer l'actuel câble, qui est obsolète (il ne transporte que les données vocales).
Suffisant pour échapper aux regards indiscrets de la NSA ?
Toute la question qui se pose est de savoir si les États-Unis pourront connaître d'une façon ou d'une autre le contenu circulant dans ce câble. Sans doute que oui. D'une part, les USA disposent d'au moins un sous-marin capable de se brancher sur les câbles et d'y effectuer des écoutes clandestines. Il s'agit du sous-marin nucléaire d'attaque USS Jimmy Carter.
D'autre part, le Portugal est membre de l'OTAN. Il n'est pas déraisonnable de penser que les services secrets portugais ont tissé des liens spécifiques avec la NSA. Faut-il rappeler que la DGSE (France), le BND (Allemagne) et le GCHQ (Royaume-Uni) ont des partenariats spécifiques avec l'agence de sécurité nationale américaine ? Et que certains pays européens sont des partenaires très proches ?
À titre d'exemple, le Royaume-Uni est un partenaire de niveau 2 (les partenaires de niveau 1 sont les agences américaines, ndlr), tandis qu'au moins douze autres pays européens sont de niveau 3 (dont 9 font partie d'un comité restreint SSEUR 14-Eyes). Enfin, il existe vraisemblablement d'autres moyens d'espionnage à disposition des États-Unis et qui ne sont pas (encore ?) connus du grand public.
Cela étant, la pose de nouveaux câbles reste une bonne nouvelle pour Internet. En multipliant les routes pour les télécommunications et les points d'accès, le réseau des réseaux ne peut que gagner en résilience et en qualité. Car aujourd'hui, un nombre très important de câbles transite par les États-Unis. La carte des câbles sous-marins le montre bien.
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