Le Parlement Européen a adopté jeudi la proposition de résolution (.pdf) élaborée par l'eurodéputée socialiste Françoise Castex, sur les redevances pour copie privée payées par les consommateurs en Europe. La résolution réaffirme le principe selon lequel "même à l'ère du numérique, les auteurs doivent pouvoir exiger la protection de leurs œuvres et se voir garantir le droit à une rémunération équitable", et soutient que "la copie privée numérique a acquis une grande importance économique".
Cependant, rejoignant le débat français sur un éventuel transfert de la redevance copie privée vers une taxation des services de cloud, la résolution ajoute que "en raison des progrès techniques (…) le système existant de redevance pour copie privée ne tient pas suffisamment compte des évolutions caractéristiques de l'ère numérique". Elle appelle donc à une remise à plat de ses fondamentaux et de ses mécanismes.
Ainsi par exemple, le texte reconnaît que "de nombreux appareils mobiles ont en théorie la capacité d'effectuer des copies pour un usage privé", et qu'ils sont donc taxés à ce titre, mais qu'ils "ne sont en réalité pas utilisés à cette fin", et qu'il faut donc trouver un mode de redevance "plus moderne qui ne soit pas obligatoirement fondé sur une redevance forfaitaire liée aux appareils".
Les DRM peuvent remplacer la copie privée
Le texte ouvre ainsi la porte à une suppression des redevances pour copie privée lorsque les copies ne sont pas techniquement possibles, et que la compensation des ayants droit peut être assurée par le biais des contrats de licences, et donc en pratique des DRM sous diverses formes. "Il faut privilégier dans ce cas de figure les modèles de licence", peut-on lire. C'est également sous-entendu lorsqu'à plusieurs reprises, la résolution indique que la rémunération pour copie privée ne doit faire que réparer un préjudice. Or si la copie est prévue dans un contrat, qui peut être administré par un moyen technologique, il n'y a pas de préjudice mais la simple réalisation de ce contrat.
Toujours au sujet des DRM, la résolution adoptée par le Parlement rappelle également que "tous les consommateurs européens doivent avoir le droit d'effectuer des copies privées de contenus acquis de manière licite", c'est-à-dire qu'il n'est pas possible d'interdire toute copie.
"Notamment à l'ère du numérique, le recours à des mesures techniques de protection rétablissant l'équilibre entre la liberté d'effectuer des copies privées et le droit à l'exclusivité des copies devrait être autorisé", assume ainsi la résolution. Mais elle dit aussi, ce qui est difficilement compatible, que les mesures techniques ne doivent pas empêcher la réalisation des copies.
Pas de paiement par les professionnels
Balayant large, la résolution s'attaque aussi bien aux distorsions entre états membres qui n'appliquent même pas le même régime de redevance pour copie privée (il n'y en a aucune en Grande-Bretagne par exemple, alors que la France a la plus onéreuse), qu'aux difficultés rencontrées par les professionnels pour se faire rembourser une taxe copie privée qu'ils n'ont pas à payer (en France, 100 000 euros avaient été remboursés pour l'année 2012, sur un montant global d'environ 200 millions d'euros collectés).
Ainsi le Parlement européen "demande aux États membres de faire en sorte que la redevance pour copie privée n'ait jamais à être versée lorsque l'utilisation des supports en question relève de l'utilisation professionnelle, et que les différentes modalités de remboursement de la redevance pour les utilisateurs professionnels soient remplacées par des systèmes garantissant que ces derniers ne soient pas tenus, en premier lieu, de l'acquitter". Une petite bombe dans le jardin des ayants droits, que le ministère de la Culture mettra autant de temps que possible à déminer.
De même, il est demandé aux Etats membres de publier des rapports annuels à partir desquels l'affectation des montants issus de la redevance copie privée pourra être mise à disposition du public "dans un format ouvert", pour plus de transparence, en particulier sur l'affectation des 25 % dédiés aux actions culturelles.
Enfin, le texte conforte également le principe selon lequel la redevance copie privée doit être attachée au lieu de résidence de l'acheteur, et non du vendeur. En 2011, RueDuCommerce avait fait condamner l'organisme chargé de collecter la taxe, pour avoir négligé de s'attaquer au marché gris généré par la distorsion de concurrence entre les commerçants français soumis à la redevance, et les autres.
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