Canal+ va-t-il se retrouver dans la position paradoxale de devoir défendre la neutralité du net en France, trois ans après que le patron de sa maison-mère Vivendi, Jean-Bernard Lévy, a plaidé pour la mort de la neutralité du net en Europe ? La situation serait amusante, si l'on ne craignait pas qu'elle aboutisse au contraire à renforcer une négociation de gré à gré opaque, dans un marché tendu.
BFMTV révèle en effet ce lundi que Canal+ teste actuellement auprès de 10 000 abonnés une nouvelle solution de distribution de ses offres Canal+ et CanalSat, qui passerait par l'accès à internet standard pour délivrer du streaming, à la manière de ce fait Netflix aux Etats-Unis. Le contenu serait ainsi obtenu par le réseau "Over-the-top" (OTT), comme il est dit en bon français, plutôt qu'en passant par les réseaux de distribution de la télévision gérés par les fournisseurs d'accès et accessibles à travers leurs box ADSL ou fibre.
Or le groupe craint des représailles sur l'accès de Canal+ aux abonnés à Internet, qui pourraient ne pas recevoir les programmes dans de bonne conditions. Aux Etats-Unis, Netflix vient d'être obligé de signer un accord de peering avec l'opérateur Comcast; qui est aussi un concurrent dans la distribution TV.
Une saisine des autorités compétentes
L'enjeu économique est très important puisqu'en passant directement par l'internet de base, Canal+ n'aurait plus à reverser de commissions aux FAI qui assurent la diffusion de Canal Plus ou CanalSat par leurs réseaux. Or, les FAI toucheraient des commissions moyennes de plus de 7 euros par mois et par abonné ! De quoi inciter les moins vertueux à brider la connexion menant aux offres OTT de Canal+, ou en tout cas à ne rien faire pour élargir les tuyaux, comme on l'a vu entre Free et YouTube. Sauf à exiger un chèque que Canal+ acceptera ou non de signer.
Dans le cas où le montant exigé serait trop important, selon BFMTV, Canal+ pourrait demander au CSA d'intervenir en tant que régulateur des différends entre chaînes TV et distributeurs. Mais une telle solution paraît juridiquement curieuse puisque par définition, les FAI ne sont pas "distributeurs" des contenus TV qui utilisent le réseau OTT, contrairement aux contenus TV qui utilisent leurs services gérés en multicast.
C'est plutôt l'Arcep qui pourrait intervenir au titre de ses pouvoir de règlement des conflits en matière d'interconnexion.
Le mieux, évidemment, serait encore une parfaite transparence des accords de peering, pour qu'aucun FAI ne puisse exercer de pression et faire payer "à la tête du client" en fonction de ses intérêts commerciaux. Mais ce n'est sans doute ni de l'intérêt des FAI, ni de l'intérêt de Vivendi (qui possède aussi SFR).
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