La Russie n'a décidément pas volé sa place "d'ennemi de l'Internet". Épinglé dans le rapport 2014 de RSF sur la cyber-censure, le gouvernement de Vladimir Poutine vient de démontrer ces dernières heures quelle place il entendait laisser à l'opposition politique sur la toile : aucune. En effet, pas moins de cinq sites libéraux ou critiquant la politique menée par Moscou ont été bloqués par les opérateurs.
Selon GlobalVoice, trois portails d'information dont celui fondé par Garry Kasparov, le blog d'Alexeï Navalny et une station de radio ont été bloqués par les FAI sur instruction du Roskomnadzor, le service de surveillance fédérale pour les médias et les communications.
La Russie profite ici d'un arsenal législatif spécialement taillé pour la censure en ligne, avec la constitution d'une liste noire officielle regroupant les sites interdits. Selon une procédure bien particulière, un site peut être mis à l'index en quelques heures. La loi avait été notamment critiquée par Wikipédia, qui avait fermé ses portes 24 heures en Russie pour sensibiliser les parlementaires.
Initialement, il s'agissait d'un texte visant à protéger les mineurs. Les premiers sites censurés étaient des sites contenant de la pornographie, relatifs au suicide, promouvant la drogue ou propageant des idées extrémistes. Or cette dernière notion, particulièrement floue, est l'une des clés du dispositif pour s'attaquer à d'autres sites n'entrant pas dans les catégories précédemment citées.
Des prétextes de censure toujours plus nombreux
"La liste des critères invoqués pour bloquer un site n’a cessé de s’allonger. Fin 2013, une nouvelle loi est venue y ajouter la publication d’informations jugées « extrémistes ». Parmi celles-ci figurent l’incitation à la haine, aux actes terroristes, mais aussi les appels à prendre part à des manifestations non autorisées", explique RSF dans son article consacré à la Russie.
Et quelle est la raisons qui a poussé les autorités à s'en prendre à ces espaces ? Les manifestations non autorisées. C'est en tout cas celle qui touche le site de Garry Kasparov. Selon l'explication officielle traduite par des membres de GlobalVoice "lesdits sites web contiennent des appels à une activité illégale et à la participation à des manifestations de masse conduites en atteinte à l'ordre établi".
Concernant le blog d'Alexei Navalny, qui est visé actuellement par une bien opportune enquête sur une affaire de détournement de fonds, l'explication est la suivante. "Le fonctionnement de ladite page internet enfreint les dispositions d'une décision judiciaire de mesure de coercition pour un citoyen sous le coup d'une enquête pénale". Alors qu'il n'est même pas condamné, le voilà déjà privé de liberté d'expression.
La Russie, qui défendait il y a quelques années avec la Chine le principe d'un "code de bonne conduite" sur Internet, devrait peut-être d'abord se l'appliquer à elle-même.
( photo : CC BY Kremlin )
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