Alors que le précédent gouvernement avait décidé de faire de l’installation des boîtes noires une mesure temporaire, prenant fin en 2018 si l’évaluation du dispositif n’est pas concluante, la nouvelle équipe propose de les conserver deux ans de plus. Sans bilan préalable.

Il faut croire que les boîtes noires vont être pérennisées alors que leur efficacité reste incertaine. En effet, si la précédente majorité avait accepté en 2015 de fixer une date d’expiration et de lier son éventuel renouvellement à une évaluation préalable afin de contrôler la pertinence du dispositif, la nouvelle équipe gouvernementale entend prolonger la durée d’utilisation des boîtes noires.

Positionnées sur les réseaux des FAI et des hébergeurs, les boîtes noires ont pour mission d’observer les faits et gestes des internautes et d’alerter l’État quand un comportement suspect est détecté. Les services ont alors en théorie la possibilité d’obtenir l’identité de l’internaute dénoncé par les algorithmes s’ils estiment qu’une menace terroriste est confirmée par l’analyse des données.

C’est ce que montre un amendement déposé par le gouvernement dans le cadre du projet de loi sur la sécurité intérieure et le terrorisme. Au lieu de s’en tenir à la date déterminée au départ, à savoir le 31 décembre 2018, l’exécutif propose de repousser cette échéance au 31 décembre 2020. Et cela, alors qu’aucun bilan n’a été tiré, ce qui devait être la condition préalable.

« Il apparaît que le bilan qui pourrait être tiré de la mise en œuvre de cette technique de recueil de renseignement au 30 juin 2018 ne permettra pas au Parlement de se prononcer de manière satisfaisante sur l’opportunité de pérenniser cette technique ou d’y mettre fin », lit-on dans l’exposé des motifs. Jugeant la date initiale « prématurée », le gouvernement propose de décaler la discussion de deux ans.

Une demande à laquelle tous les élus n’entendent pas se rallier : comme le note l’avocat Alexandre Archambault, les députés Les Insoumis veulent supprimer les boîtes noires dans leur amendement, du fait de « l’absence d’éléments suffisamment probants produits par le gouvernement quant à l’utilité et l’efficacité réelle de ces dispositions », et « ainsi revenir à l’état antérieur du droit ».

Il y a deux ans, le précédent gouvernement justifiait la nécessité de déterminer une date de fin à cause du « caractère novateur du mécanisme ». Un vocable que reprend aujourd’hui l’exécutif, tout en admettant avec un art consommé de l’euphémisme qu’il a pu susciter « des craintes ». Comme le rappelle l’exposé des motifs des Insoumis, plusieurs organismes s’étaient élevées contre ce dispositif :

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« L’avis circonstancié de la Commission nationale consultative des droits de l’homme dénonçait d’ores et déjà l’impréparation du texte, l’effet exclusif d’affichage qui ne pouvait justifier des atteintes si sévères, et demandait ainsi le retrait d’une grande majorité des dispositions du texte », rappellent-ils. Ils citent aussi l’Observatoire des libertés et du numérique et le Défenseur des droits.

« Cette loi légalise des procédés d’investigation jusqu’à présent occultes. Mais les assurances données quant au respect des libertés relèvent d’une rhétorique incantatoire et fallacieuse [et] installe un dispositif pérenne de contrôle occulte des citoyens dont [elle] confie au pouvoir exécutif un usage quasi illimité (…) [elle] est à ce titre inacceptable », écrivent les élus. Reste qu’à l’heure actuelle, les boîtes noires ne sont pas actives pour ce qui est des données liées au territoire national.

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