En 2009, le ministère de la justice du Brésil et la prestigieuse institution académique Fundação Getulio Vargas avaient lancé ensemble un chantier d'élaboration collaborative d'un projet de loi baptisé "Marco Civil", destiné à inscrire noir sur blanc les droits fondamentaux devant être garantis sur Internet. Le projet est surnommé "Constitution Internet" parce qu'il ressemble fort à une Déclaration des droits des internautes.
Deux ans plus tard, le premier jet du texte (.pdf) fut déposé au Congrès, avec de nombreuses dispositions fortes sur la protection de la vie privée des internautes, sur le rôle incontournable d'une justice indépendante dans les demandes d'accès aux données des abonnés ou de suppressions de contenus, sur les limites de responsabilité pénale des hébergeurs et éditeurs de sites internet, sur le développement d'un gouvernement ouvert et d'une administration électronique, ou encore sur la neutralité du net.
L'article 9 du projet de loi disposait par exemple que les fournisseurs d'accès à internet ont "l'obligation de fournir un traitement équitable à tous les paquets de données, sans distinctions fondées sur le contenu, l'origine et la destination, le service, le terminal ou l'application". Il ajoutait que "toute discrimination ou dégradation du trafic qui n'est pas justifiée par des exigences techniques nécessaires à la fourniture adéquate des services est interdite".
"Le plus beau cadeau d'anniversaire possible"
Les FAI et les ayants droits ayant fait pression pour que le texte ne passe pas, la Marco Civil était restée dans les tiroirs du Parlement brésilien depuis 2011. Mais le scandale des révélations sur les activités de surveillance de la NSA a ravivé la volonté de la présidente du Brésil Dilma Roussef de renforcer les droits des Brésiliens sur Internet, et a remis la Marco Civil sur le devant de la scène.
Le texte est de nouveau débattu et fait l'objet de tractations. Ces derniers jours, le Gouvernement a ainsi accepté d'abandonner son projet d'imposer que les données soient hébergées au Brésil, mais a réaffirmé la compétence de la loi brésilienne pour les données des Brésiliens, où qu'elles soient hébergées, et le principe de protection de la neutralité du net.
Lundi, Tim Berners-Lee lui-même a applaudi le projet. Le principal inventeur du Web a estimé qu'en cette année de 25ème anniversaire du Web, "ce serait le plus beau cadeau possible pour les Brésiliens et les internautes du monde entier si la Marco Civil était adoptée, sans davantage de délais ni amendements".
Plus démocratique qu'en France
"J'espère qu'en adoptant ce projet de loi, le Brésil cimentera sa fière réputation de leader mondial sur les progrès démocratiques et sociaux, et aidera à introduire une nouvelle ère — une ère dans laquelle les droits des citoyens dans tous les pays à travers le monde seront protégés par des déclarations de droits numériques".
"Tout comme le Web, la Marco Civil a été construite par ses utilisateurs – le processus révolutionnaire, inclusif et participatif a abouti à une politique qui équilibre les droits et les responsabilités des individus, des gouvernements et des entreprises qui utilisent Internet. Bien sûr, il y a encore des débats sur quelques domaines, mais en bout de course le projet de loi reflète l'Internet comme il devrait être : un réseau ouvert, neutre et décentralisé, dans lequel les utilisateurs sont le moteur de la collaboration et de l'innovation."
En France, le Gouvernement travaille lui-aussi sur sa "déclaration des droits", dite Habeas Corpus Numérique. Mais les échos que nous en avons font craindre qu'il s'agisse beaucoup plus d'une déclaration des devoirs que d'une déclaration des droits. Et contrairement au texte brésilien, l'Habeas Corpus numérique français est élaboré sans aucune consultation des premiers concernés : les internautes. Seul le Conseil National du Numérique, dont les membres ont été désignés par le Gouvernement lui-même, sera appelé à donner son avis avant le Parlement.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous gratuitement à Artificielles, notre newsletter sur l’IA, conçue par des IA, vérifiée par Numerama !