La Commission européenne a publié vendredi le rapport Triaille commandé au cabinet De Wolf & Partners, sur les conflits juridiques entre le droit d'auteur et les pratiques d'exploration de données (data mining). Le rapport confirme que le droit doit évoluer vers plus de flexibilité, avec l'ajout d'une nouvelle exception qui favoriserait l'innovation.

Le cabinet d'avocats belge De Wolf & Partners a publié vendredi son rapport (.pdf) commandé par la Commission européenne et dirigé par le professeur Jean-Paul Triaille, sur le cadre juridique de l'exploitation des textes et des données dans le cadre des opérations de "data mining". Il s'agit de savoir si les directives européennes actuelles sur le droit d'auteur et les bases de données sont adaptées aux besoins, notamment des laboratoires scientifiques, de collecter et de manipuler des masses de données appartenant à d'autres,  pour en tirer des découvertes ou des outils nouveaux.

Il s'agit aussi bien de collecter des chiffres dans une base que des sons, des images ou du texte, de façon automatisée, pour y appliquer des traitements divers et variés. C'est tout un pan crucial, notamment, des travaux sur l'intelligente artificielle par apprentissage autonome de la machine, sur la reconnaissance vocale, sur le marketing basé sur le Big Data, etc., etc. 

Le sujet est aussi une préoccupation en France, le CSPLA rattaché au ministère de la Culture ayant lui-même commandé en juillet dernier une étude dédiée (.pdf) à l'avocat Jean Martin, qui devait rendre ses conclusions "dans les premiers mois de l'année 2014".

Le rapport réalisé pour la Commission européenne conclut que "l'analyse de données" (terminologie préférée au "data mining") implique le plus souvent leur reproduction dans une base, et donc qu'il y a bien potentiellement une violation de la propriété intellectuelle des titulaires de droits des contenus ainsi reproduits. De même, l'Europe reconnaissant un droit sui generis (en tant que tel) sur les bases de données, il est en principe interdit d'extraire les données d'une base d'un tiers pour les injecter dans une autre, que ces données constituent des oeuvres protégées ou non.

Il reconnaît donc un risque juridique pour les exploitants des données ainsi "fouillées" et recrachées après algorithmes, même lorsque les données elles-mêmes ne sont qu'une matière première qui ne sera plus lisible en tant que telle dans le résultat final.

Une nouvelle exception juridique demandée

Certes, la directive EUCD de 2001 sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information reconnaît dans son article 5.1 qu'il n'y a pas contrefaçon des droits de propriété intellectuelle dans le cas des reproductions temporaires qui n'ont pas de valeur économique autonome mais qui sont techniquement nécessaires pour permettre la circulation d'une information sur un réseau, ou pour permettre l'utilisation licite d'une oeuvre. Mais les rapporteurs estiment que cette exception s'applique très rarement aux cas d'espèces dans le data mining, et qu'elle n'est donc pas suffisante pour libérer l'innovation.

Les auteurs balayent également les quelques autres exceptions qui auraient pu profiter au data mining, et demandent que le législateur européen ne se contente pas d'encourager les acteurs privés à rédiger des contrats de licence permissifs en misant sur la bonne intelligences de chacun (une erreur déjà commise avec le fiasco des "Licences pour l'europe" en matière de musique ou de films). Ce "ne serait pas suffisant pour résoudre l'insécurité juridique et supprimer des obstacles injustifiés à l'analyse de données", préviennent-ils.

L'étude suggère donc à l'Union Européenne de réformer la directive de 2001 pour introduire une nouvelle exception imposée à tous les Etats membres, visant à autoriser les analyses de données sous certaines conditions. Ou plus exactement, à interdire aux titulaires de droits d'interdire l'analyse de données collectées, pour neutraliser toute tentative de verrouillage par contrats. Cette exception s'appliquerait notamment au droit de reproduction.

Les avocats belges reconnaissent, en revanche, que cette exception ne devrait être imposée aux auteurs et titulaires de bases de données que dans le cadre de travaux sans objectif commercial, ce qui en réduirait fortement la portée. Les Google, Amazon, IBM et autres Apple devront bien négocier des autorisations pour injecter des données dans les bases qui nourrissent leurs algorithmes, même s'ils ne reproduisent pas ces données auprès de leurs clients finaux.

Ils estiment ainsi que l'exception devrait porter principalement sur les travaux de recherche scientifique, et encore, à condition qu'ils ne donnent lieu à aucune valorisation marchande.

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