En 2011, le Parlement avait adopté en France un texte de loi sur les obtentions végétales, qui instaurait une forme de droit à la copie privée payante pour certaines semences de ferme protégées par un certificat d'obtention végétale (COV). La loi était symbolique d'un mouvement global de privatisation de matières naturelles qui sont essentielles à l'agriculture, par l'exploitation des droits de propriété intellectuelle.
Pour pouvoir vendre des semences sur le marché ou s'en échanger entre agriculteurs, les producteurs ont l'obligation que celles-ci soient inscrites au préalable dans un "catalogue commun des espèces et variétés", tenu à jour par l'Union Européenne. Il rassemble les catalogues nationaux des différents états membres, qui font payer plusieurs centaines voire milliers d'euros le processus exigeant de validation et d'inscription.
Le risque de passer outre n'est pas négligeable. En 2008, le président de l'association Kokopelli qui commercialise des semences anciennes non cataloguées a été condamné à plus de 17 000 euros d'amende. En 2012 la Cour de Justice de l'Union Européenne a été contre l'avis de son avocat général (ce qui est exceptionnel), en jugeant que les restrictions à la commercialisation de semences non cataloguées étaient légales et justifiées.
Comme l'expliquait Lionel Maurel en 2013, l'accumulation des atteintes à la liberté de semer a conduit à la création d'un mouvement de création de semences sous licences libres. Il avait même été créé une licence dédiée, l'Open Source Seeds (dont le site internet ne semble plus disponible), qui s'inspirait des licences Creative Commons pour encadrer juridiquement le droit de semer et reproduire des plants.
"Un pool de ressources génétiques libres"
Un an plus tard, l'Open Source Seed Initiaitve (OSSI) vient d'être lancée par des professeurs de l'Université du Wisconsin. L'organisation a annoncé qu'elle allait distribuer les graines de 22 variétés végétales "open-source" : de la laitue, du chou frisé, des courgettes, du céléri, du cresson, de l'orge, de la moutarde, des poivrons, du quinoa,… Pour respecter une forme de droit moral, les créateurs des plants (les "obtenteurs") sont crédités en tant que tels.
Tous les paquets de graines sont accompagnés d'un message en forme d'engagement et de licence libre :
Cet engagement Open Source Seed vise à garantir votre liberté à utiliser les graines contenues à l'intérieur de quelque manière que vous choisissez, et de s'assurer que ces libertés profitent à tous les utilisateurs ultérieurs.
En ouvrant ce paquet, vous vous engagez à ne pas restreindre l'utilisation par des tiers de ces graines et de leurs dérivés par des brevets, licences ou tout autre moyen. Vous vous engagez à ce que vous si vous transférez ces graines ou leurs dérivés, ils seront également accompagnés de cet engagement.
"Pour répondre efficacement aux défis de l'amélioration de nos cultures qui sont nécessaires pour nourrir notre population en croissance rapide, les agriculteurs et les sélectionneurs de plantes doivent avoir accès aux ressources génétiques", explique Irwin Goldman, professeur d'horticulture à l'Université du Wisconsin, et co-fondateur d'OSSI. "Cet accès devient de plus en plus limité par les contrôles associés à l'octroi de licences sur les semences. Nous voudrions créer un nouveau conduit pour les graines qui permettrait de réaliser un pool de ressources génétiques que chacun pourrait utiliser, partager, conserver, replanter et reproduire librement".
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