Ne voulant y voir qu'une victoire de la protection de la vie privée des internautes, Arnaud Montebourg et Axelle Lemaire font comme si l'arrêt Google de la Cour de Justice de l'Union Européenne sur le droit à l'oubli ne posait pas aussi de graves difficultés pour la liberté d'information, et pour le respect d'une justice aux mains de la Justice.

Peu importent les problèmes considérables que pose l'arrêt Google / Gonzalès de la CJUE pour la liberté d'information, et le fait qu'il transfère à une société privée comme Google la très lourde responsabilité de décider souverainement de quelle personne a droit au retrait du référencement d'une information qui la concerne, et qui n'y a pas droit.

Ne voyant le sujet que par le petit bout de la lorgnette, comme l'a fait dès hier le commissaire européen Michel Barnier, le ministre de l'économie Arnaud Montebourg et sa secrétaire d'Etat au numérique Axelle Lemaire ont publié ce mercredi un communiqué pour se féliciter de l'arrêt de la CJUE. "Par cet arrêt, la Cour a confirmé l’application de la législation européenne sur la protection des données à caractère personnel aux informations personnelles traitées et affichées par les moteurs de recherche", se réjouissent les deux membres du gouvernement. "La Cour a notamment souligné le rôle joué par les moteurs de recherche pour agréger des informations provenant de différentes sources et l’impact que ce traitement pouvait avoir sur la vie privée des personnes".

Aussi, Axelle Lemaire assure que "cet arrêt constitue une réelle avancée pour la protection de la vie privée des citoyens européens", et Arnaud Montebourg y voit le rétablissement d'un "équilibre entre les pratiques des grandes plateformes numériques et les droits des utilisateurs d’internet, citoyens et entreprises".

La vie privée, oui, mais la liberté d'information ?

Mais ils négligent totalement l'aspect incident de l'arrêt de la Cour de Justice, qui est la création d'un instrument de censure à géométrie variable, mis par la justice entre les mains d'une société privée (qui d'ailleurs n'en veut pas). La Cour n'a pas décidé que toutes les demandes de retraits de résultats devaient être suivies d'effets en vertu d'un "droit à l'oubli", mais qu'il fallait que Google les examine au cas par cas, pour vérifier s'il "existe des raisons particulières, telles que le rôle joué par cette personne dans la vie publique, justifiant un intérêt prépondérant du public à avoir, dans le cadre d’une telle recherche, accès à ces informations".

Or c'est sur ce point que l'arrêt est critiqué de toutes parts, sauf dans les rangs politiques qui veulent n'y voir qu'une protection par l'Europe de la vie privée des citoyens.

Oui, individuellement chaque individu pour sa petite personne sera mieux protégé, si tant est que la censure protège. Mais collectivement, c'est mettre le doigt dans un engrenage extrêmement dangereux pour la liberté d'expression et de communication.

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