Envisagées depuis plusieurs années, les amendes administratives ou forfaitaires contre le piratage refont surface. Une étude sur la faisabilité juridique d’un tel dispositif a été confiée à deux maîtres de requêtes au Conseil d’État. Les conclusions sont attendues d’ici fin novembre.

La lutte contre le téléchargement illégal en France va-t-elle bientôt se traduire par la mise en place d’amendes automatiques adressées aux internautes dont la connexion est suspectée d’avoir servi à pirater des œuvres via les réseaux P2P ? Au sein de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, la réflexion existe. Et les ayants droit n’attendent que ça.

La mise en place d’une amende forfaitaire ou administrative contre le piratage est un vieux sujet. Déjà en 2013, lors du marché international de l’édition musicale, l’union des producteurs phonographiques français indépendants défendait l’instauration d’une amende d’un montant de 140 euros. Un an auparavant, le directeur général de la Sacem, réclamait des sanctions sans sommation.

Source : Montage Numerama

Cette piste est aujourd’hui en train de revenir en force. Selon Édition Multimédi@, la Hadopi a demandé à deux maîtres de requêtes au Conseil d’État de lui remettre d’ici la fin novembre un rapport sur la faisabilité d’un tel dispositif. Plus exactement, de lui fournir une « évaluation juridique des diverses propositions externes de modification du mode de sanction de la réponse graduée ».

Plusieurs évolutions de la riposte graduée vont donc être auscultées, dont le système dont il est question ici.

Si l’idée de l’amende forfaitaire ou administrative est retenue et possible, elle pourrait alors venir remplacer l’actuelle amende pénale. La loi prévoit en effet une amende de 1500 euros que peut infliger le tribunal en cas de « négligence caractérisée », c’est-à-dire si une série de critères sont réunis, notamment le « manque de diligence » dans la mise en place (ou l’absence totale) d’un moyen de sécurisation.

Dans ce dispositif, l’autorité judiciaire serait écartée au profit d’une « commission des sanctions », qui jugerait les dossiers que la Commission de protection des droits de la Hadopi lui transmettrait. En effet, des exigences constitutionnelles interdisent à une même institution d’avoir à la fois des fonctions de poursuite et d’instruction et celles de jugement, pointait un rapport d’information sénatorial.

Au-delà de savoir s’il est possible et opportun d’aller vers l’amende automatique, et nonobstant la manière dont s’articulerait cette commission dans le dispositif de la riposte graduée, se pose la question du montant de l’amende : 140 euros, comme le demande l’UPFI ? Une centaine d’euros, comme l’envisage le rapport sénatorial, qui s’est attardé sur le sujet ? Ou 60 euros, somme suggérée par le rapport Lescure ?

Une amende de plusieurs dizaines voire de quelques centaines d’euros

Les sénateurs avaient listé les avantages supposés de cette amende : crédibilité de la sanction, effet dissuasif sur les contrevenants, allègement du traitement des dossiers et désencombrement des tribunaux. En comparaison du système judiciaire, dernier barreau de l’échelle d’action de la riposte graduée, un « goulot d’étranglement » limitant le nombre de procédures pénales menées par le parquet, ce serait tout vu.

Et surtout, le système a l’avantage d’avoir les faveurs de l’industrie culturelle. Des auditions menées auprès des représentants de l’ARP, l’ALPA, le SNEP et la SACD ont mis en lumière une convergence de vues sur la nécessité de basculer sur une telle sanction — qui ne peut toucher que ceux et celles qui piratent en P2P, comme BitTorrent et eMule, le streaming et le téléchargement direct étant hors du spectre.

Cette orientation, pas sûr que l’ancienne présidente de la commission de protection des droits de la Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta, l’aurait approuvée. En 2012, elle avait mis en garde contre un tel système, plaidant pour « quelque chose qui ne soit pas plus répressif que le système actuel ». Un dispositif sur le modèle des radars routiers serait beaucoup plus dur que le mécanisme actuel.

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