Emmanuel Macron l’a dit lors de sa campagne pour la présidentielle : « le numérique participe à l’exercice de la démocratie ». Plusieurs exemples ont alors été cités par le chef de l’État, allant des pétitions en ligne aux internautes abonnés au compte Twitter de leur commune ou de leur région, en passant par les plateformes de « Civic Tech » pour suivre l’activité des parlementaires.
Mais sur la question du vote par Internet, l’intéressé avait fait preuve jusqu’à présent d’une discrétion remarquable. Seul son secrétaire d’État au numérique, Mounir Mahjoubi, a abordé ces sujets, en évoquant le souhait du gouvernement de mettre en place du vote électronique dans l’Hexagone. Et puis il y a eu le discours d’Emmanuel Macron à la 27e session plénière de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Pour le président, le cap est clair : le vote par Internet pour les Français et les Françaises de l’étranger devra être rétabli en 2022 lorsque les prochaines élections législatives auront lieu. « Si nous ne sommes pas en capacité pour les prochaines élections de nous organiser pour avoir un système de vote étanche à toute attaque, ça ne s’appelle plus la France, notre pays ! », a clamé le chef de l’État.
Aussi a-t-il profité de son discours pour faire passer des consignes à l’administration, en particulier qu’une « solution parfaitement sécurisée puisse être utilisée lors des prochaines élections consulaires de 2020 et sur cette base, toutes les améliorations qui seraient indispensables puissent être conduites pour que lors des législatives de 2022, il n’y ait plus aucun débat ».
Qu’il n’y ait plus de débat sur le sujet en 2022
Voilà qui risque d’occuper longuement l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information et de gêner son directeur, Guillaume Poupard, lui qui ne cache pas sa préférence pour le bulletin en papier déposé dans une urne transparente, la garantie la plus forte face aux risques de piratage. Mais sans doute l’agence pourra-t-elle compter sur un renfort en personnel ou une hausse de son budget.
Le chef de l’État a en tout cas assuré que la France s’en donnera « les moyens parce que c’est un intérêt démocratique » et une question « de crédibilité et de souveraineté ». Et le locataire de l’Élysée d’insister : « nous prendrons toutes les sécurités parce que nous avons bien d’autres sujets d’intérêt vital pour le pays qui passent aussi par le numérique ».
En clair, ce qui sera mis en place pour assurer le succès du vote par Internet, en termes de sécurisation, pourrait rejaillir favorablement sur d’autres sujets.
Faible effet sur la participation
C’est en 2012 que le vote par Internet pour les Français de l’étranger a été mis en place ; il est apparu que ce dispositif n’a pas réellement endigué le problème de l’abstention, alors même que ce mécanisme permet de répondre à une exigence constitutionnelle, celle de l’accessibilité au suffrage, en atteignant ceux et celles vivant dans des régions reculées ou très éloignées des bureaux de vote installés dans les ambassades et les consulats.
C’est ce que montrent une étude de cas réalisée en 2014 sur la République tchèque ainsi qu’un rapport des sénateurs Anziani et Lefèvre, qui a conclu que sa mise en place n’a eu aucun effet significatif sur le taux de participation pour les scrutins de 2012.
Dans son discours, Emmanuel Macron a d’ailleurs reconnu que le déploiement du vote par Internet ne va pas tout changer, en citant justement les résultats de 2012 : « ne soyons pas pour autant naïfs, le vote en ligne ne permettra pas à lui seul, en tout cas pas totalement, d’augmenter la participation à un niveau suffisamment satisfaisant. Et l’expérience de 2012 en atteste ».
Reste que pour lui, même si le vote par Internet a un impact limité sur la participation des Français de l’étranger, ce dispositif a un rôle de lien social entre eux et leur patrie. « Je pense qu’il est essentiel qu’il y ait une vitalité démocratique dans toutes les communautés françaises à travers le reste du monde et que nous devons collectivement les faire vivre », a-t-il dit.
Et d’ajouter : « les Françaises et les Français vivant à l’étranger sont une chance aussi longtemps qu’ils stimulent les gouvernements en comparant ce qu’ils ont à vivre mais parce qu’ils créent une forme de tension salutaire, celle chaque année ou chaque semestre de se poser la question de revenir dans le pays. Le jour où ils ne se la posent plus, nous avons perdu quelque chose ».
Pas de vote par Internet en 2017
Les propos d’Emmanuel Macron au sujet du retour du vote par Internet pour les Français de l’étranger s’inscrivent dans un contexte un peu particulier : il a en effet été décidé de ne pas proposer ce mode de scrutin pour les élections législatives de 2017, pour des raisons de sécurité informatique. Le gouvernement de l’époque craignait une attaque faussant la sincérité du vote ou empêchant d’assurer le bon déroulement du scrutin.
L’affaire avait été abondamment commentée dans la classe politique, surtout par ceux et celles se présentant dans les circonscriptions de l’étranger. Une joute orale avait même eu lieu entre François Fillon et Jean-Marc Ayrault, alors ministre des affaires étrangères. D’autres avaient suspecté une raison budgétaire lié au coût d’envoi des SMS de vérification envers chaque électeur, procédé inexistant en 2012.
Revenant sur cet épisode, le chef de l’État a estimé que les raisons ayant motivé le retrait de ce mode de scrutin « avaient leur légitimité dans le contexte géopolitique que nous connaissions et compte tenu des imperfections du système ». Mais « nous n’avons pas le droit que ceci arrive deux fois », même s’il y a des attaques informatiques, une réalité dont il faut certes tenir compte mais qui ne devrait pas tout bloquer.
L’enjeu est ailleurs, estime le président : « le problème plus fondamental reste celui de l’intérêt de nos compatriotes vivant à l’étranger pour les scrutins nationaux au-delà de l’élection présidentielle qui seule parvient à les mobiliser ». « Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une situation où, dans de trop nombreux endroits, il y a une forme de déprise qui s’est installée ou une distance avec le pays, une distance avec les grands débats du pays parce qu’à ce moment-là quelque chose de nous est perdu »
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