La Suisse va-t-elle adapter le droit d'auteur à Internet ou choisir de régler le réseau des réseaux aux exigences de la propriété intellectuelle ? Alors que la confédération helvétique s'est penchée il y a quelques années sur la licence globale, qui consiste à établir une contribution financière en échange de la légalisation des échanges non-marchands sur Internet, une autre approche semble aujourd'hui émerger.
Dans un communiqué publié vendredi, le conseil fédéral – qui est l'organe exécutif du pays – a annoncé son ambition de "moderniser" le droit d'auteur. Mais il ne s'agit pas tant d'adapter ce dernier "aux réalités d’Internet", mais plutôt de prendre des "mesures ciblées qui visent à adapter les droits et les devoirs des artistes, des consommateurs et des fournisseurs".
Il a été confié au département fédéral de justice et police (DFJP) le soin d'élaborer d'ici l'année prochaine un projet qui sera ensuite "mis en consultation". Le DFJP, dont la directrice, Simonetta Sommaruga a mis sur pied un groupe de travail chargé d’améliorer la gestion collective des droits d’auteur et des droits voisins, s'appuiera notamment sur les travaux de ce dernier (AGUR12).
Selon le gouvernement suisse, cette réflexion sur le droit d'auteur, qualifiée parfois de "révision" ou de "modernisation", "vise à améliorer la situation des artistes sans affaiblir la position des consommateurs". Il est notamment question de revoir la responsabilité civile des fournisseurs Internet et de délivrer des messages d'information aux internautes adeptes du partage.
Responsabilité des fournisseurs
En l'état actuel, il est prévu que les fournisseurs prennent "des mesures" pour détruire "de leurs plateformes" tout contenu violant la propriété intellectuelle et bloquer leur remise en ligne, sans doute avec un mécanisme similaire à Content ID, le système de YouTube qui permet d'identifier des œuvres grâce à une collection d'empreintes numériques conservées dans une base de données.
Les fournisseurs seraient aussi tenus de "bloquer l'accès à des contenus manifestement illicites ou à des sources manifestement illégales sur ordre des autorités", mais uniquement "dans des cas de violations graves". Il n'est toutefois pas clair si cette mesure vise les fournisseurs de services Internet ou les fournisseurs d'accès à Internet, dans le cas où les premiers feraient de la résistance.
Dans un cas comme dans l'autre, les fournisseurs pourraient bénéficier d'une "exonération de leur responsabilité" s'ils se conforment à leurs "nouveaux devoirs dans la lutte contre le piratage sur Internet". C'est du moins la position de l'AGUR12, qui se rapproche d'un mécanisme à la LCEN, elle-même tirée d'une directive européenne.
Messages d'information
Outre les mesures visant les fournisseurs, l'AGUR12 est favorable à la délivrance d'un message d'information envers le "consommateur fautif" afin de le rendre "attentif aux possibles conséquences de ses actes afin qu'il puisse modifier son comportement". S'il persiste, le groupe de travail suggère de livrer son identité aux ayants droit afin qu'ils entament un volet judiciaire.
Le conseil fédéral tient à préciser qu'il faudra préciser les contours de ce qu'est une violation grave, déterminer la manière dont les messages seront délivrés (courrier électronique ? Lettre recommandée ?) et, surtout, "aménager la procédure de communication de l'identité de l'internaute fautif" avant toute action des ayants droit souhaitant faire valoir des prétentions civiles.
De façon générale, le conseil fédéral paraît plutôt favorable aux grandes orientations de l'AGUR12 même si un examen approfondi sera nécessaire. Ces mesures viendront ainsi s'ajouter à l'éventail d'outils législatifs déjà à disposition des autorités suisses pour punir les infractions au droit d'auteur sur Internet, qu'il s'agisse d'échanges en pair à pair ou sous d'autres formes.
La licence globale s'éloigne
La Suisse ne devrait pas, en revanche, "introduire une rémunération générale sous forme de forfait couvrant toutes les formes d'utilisation sur Internet", autrement dit un système proche de la licence globale permettant d'autoriser des échanges, notamment non-marchands. Le conseil fédéral considère qu'une telle approche "serait contraire à des engagements internationaux" du pays.
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