Interrogé par le Gouvernement sur la manière de répondre aux abus de position dominante de Google, le Conseil National du Numérique (CNNum) a remis ce jeudi un avis dans lequel il insiste surtout sur des mesures de "transparence", dont l'efficacité est très douteuse.

A l'occasion du rapport sur la neutralité du net qu'il avait remis à Fleur Pellerin en mars 2013, le Conseil National du Numérique (CNNum) avait proposé au Gouvernement de travailler sur une question plus large, mais indissociable, de la neutralité des plateformes dominantes. Les Google, Facebook, Apple, Amazon ou Twitter sont devenus des intermédiaires quasiment aussi incontournables sur Internet que les fournisseurs d'accès eux-mêmes, et ils utilisent cette domination comme le ferait toute entreprise, pour accroître encore davantage leur emprise. 

L'exemple le plus frappant est bien sûr Google, que le CNNum avait implicitement visé. Le poids de la firme de Mountain View, qui s'étend désormais bien au delà du seul moteur de recherche de base, est tel que nombre d'entreprises se sentent prises au piège. Elles ne peuvent éviter Google pour exister, mais sont à la merci de Google qui les fera mourir à petit feu dès qu'il décidera de s'installer sur le même marché qu'elles. Or voyant que la Commission Européenne tardait à proposer un remède — qui s'est révélé d'un ridicule absolu — contre ces abus de position dominante, l'ancienne secrétaire d'Etat à l'économie numérique Fleur Pellerin avait demandé en juillet 2013 au Conseil National du Numérique de s'emparer du sujet. Et d'en profiter pour approfondir son idée de neutralité des plateformes.

Ce jeudi, le CNNum a donc communiqué son avis et rapport sur la neutralité des plateformes (.pdf) à la nouvelle secrétaire d'Etat Axelle Lemaire. Mais il a refusé de faire de Google un cas particulier.

"Saisi en partie sur les pratiques de la société Google sur le marché, le Conseil national du numérique a choisi d’inscrire ces préoccupations au sein des considérations applicables à l’ensemble des plateformes", se justifie le CNNum.

La transparence comme mode de régulation

La critique implicite de Google reste pourtant vive, car "le Conseil y invite à améliorer la compréhension des mécanismes économiques à la source de sa réussite, clarifier les éléments de régulation à mettre en place pour canaliser sa dynamique, afin qu’elle reste au service de l’innovation et des libertés et, enfin, améliorer la détection de ses abus".

Cependant, le CNNum évite soigneusement de proposer des mesures coercitives ambitieuses. Le Conseil national du numérique insiste surtout dans son avis sur les vertus supposées de la transparence comme mode de régulation, plutôt que sur les obligations. Une stratégie qui n'est pas sans rappeler celle de la Commission Européenne sur la neutralité du net, mais qui n'a en pratique aucune efficacité.

Ainsi, alors qu'il est visiblement conscient du fait que Google bride le référencement naturel de concurrents pour mieux mettre en avant ses propres services, le CNNum suggère simplement au gouvernement de "définir des lignes directrices à l’attention des grands moteurs de recherche pour déterminer facilement si ce qui est présenté relève de la publicité, d’une sélection algorithmique générique, d’une adaptation personnalisée ou d’une préférence pour l’offre de la plateforme hôte". Il ne s'agit pas d'interdire des pratiques, mais de les rendre davantage publiques.

Certes, le Conseil propose tout de même de "s'assurer que les discriminations opérées dans les référencements soient justifiées par des considérations légitimes (qualité, personnalisation, etc.) et vérifiables par des tiers". Mais il s'agit là du problème crucial du secret des algorithmes de Google, auquel il est très difficile de répondre sans casser le droit au secret industriel.

La seule réponse possible selon nous est de scinder Google en plusieurs entités pour éviter les conflits d'intérêts entre le moteur de recherche qui est en quelque sorte d'intérêt public (surtout avec 90 % de parts de marché), et ses autres activités qui sont d'intérêt privé. Mais c'est là une piste que le CNNum n'explore pas, estimant sans doute (à tort) que ce n'est pas son rôle.

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