Il est peut-être temps de faire notre mea culpa. Lorsque la presse traditionnelle s'est attaquée à Google pour demander des droits d'auteur pour son référencement, nous nous étions moqués avec force de ces industries vieillissantes qui réclamaient d'être payées par ceux qui leur permettaient d'être lus. Mais c'était sous-estimer l'ambition à plus long terme de Google, que nous avions pourtant décrite nous-même dès 2012 lorsque Google a dévoilé son Knowledge Graph.
"Google ponctionnera les contenus publiés par les éditeurs web, pour afficher les réponses sans renvoyer ses utilisateurs vers ces éditeurs web (sauf sans doute via un lien "source" sur lequel peu d'utilisateurs cliqueront). De quoi promettre quelques actions judiciaires complémentaires aux poursuites pour abus de position dominante dont Google est déjà l'objet", avions-nous écrit. "La mise à jour n'aura pas simplement pour effet de redistribuer les cartes en changeant l'ordre des résultats. Elle captera une partie de l'audience qui était jusqu'à présent renvoyée vers les sites tiers, pour la conserver sur Google".
Deux ans plus tard, Google a commencé à étendre son Knowledge Graph pour s'approprier et exploiter une quantité croissante de contenus produits par d'autres, comme le remarque Search Engine Land. C'est le cas en particulier pour les tutoriels et autres recettes de cuisine. Plutôt que de dire à l'internaute où se trouve la solution à son problème, Google copie-colle la réponse dans ses résultats de recherche, comme s'il en était lui-même l'auteur :
Accepter ou mourir
Il devient difficile dans ces conditions de ne plus contester la nécessité que Google paye des droits d'auteur à ceux dont il "pille" ainsi les contenus avec une contrepartie de moins en moins évidente. Même si la firme de Mountain View se défend dans un communiqué en disant qu'elle "attire l'attention sur le snippet (l'extrait du site, ndlr) parce que c'est probablement plus utile pour décider si la page web va être de la plus grande aide pour la tâche", il est clair que l'utilisateur n'a absolument plus besoin de se rendre sur le site qui a fait le travail de recherche et de publication du tutoriel — nous sommes d'autant plus à l'aise pour le contester que Numerama ne publie quasiment jamais de tutoriaux.
Or le problème ressemble à un chantage mafieux pour les éditeurs de sites web. Ils n'ont que deux possibilités. Soit continuer à être référencés par Google et à se faire progressivement déposséder de leurs contenus ; soit ne plus accepter que Google les référence. Mais cette dernière option n'en est pas une dans un monde où Google est le moteur de recherche de 95 % des internautes en Europe. Se couper du référencement par Google, c'est mettre la clé sous la porte.
D'où l'importance cruciale du débat sur l'abus de position dominante de Google, sur l'affligeante faiblesse de la Commission européenne, et sur la nécessité d'aboutir à des mesures fortes.
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